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28 juin 2009 7 28 /06 /juin /2009 10:04

Plusieurs voiliers qui suivent le même chemin que nous à travers les îles du Pacifique vers Tahiti ont eu une réflexion identique à la notre : le dépaysement est ici bien plus grand qu'en Amérique centrale et latine, nous entrons dans un espace naturel et culturel unique au monde.

- Espace naturel unique car les paysages et la nature sauvage sont encore intacts et peu modifiés par l'homme dans la majorité des archipels de la Polynésie Française.

- Espace culturel unique car dès notre arrivée, la culture Polynésienne, et plus particulièrement celle des îles Marquises, nous saute aux yeux et aux oreilles : la langue (une véritable langue et non pas un salmigondis franco-créole à la mode antillaise), les traditions et coutumes, les croyances, les vestiges archéologiques, le mode de vie, l'art sous toutes ses formes (danse, sculpture, musique et peinture).

Pour mieux comprendre les raisons de ce choc bien agréable il est utile de se pencher un peu sur le passé de ce très vaste territoire français si mal connu de notre part et dont nous avons une image d'Épinal bien éloignée de la réalité.

La Polynésie française s'inscrit plus largement dans ce que nomment les géographes le Triangle Polynésien [Nouvelle Zélande – Hawai – Île de Pâques]. Elle comporte 118 îles (4000 km²) organisées en cinq archipels dispersés sur une vaste surface d'océan (Zone économique exclusive de 4.750.000 km²).

A l'ouest, l'archipel de la Société (atolls et îles hautes) comprend les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent. À 180 milles au nord-est de Tahiti, l'archipel des Tuamotu, constitué de 77 atolls , est prolongé par celui des Gambier (atolls et îles hautes) le long d'un axe nord-ouest sud-est sur plus de 800 milles. Enfin au nord des Tuamotu se trouve l'archipel des Marquises (îles hautes sans atolls) à près de 750 milles de Tahiti.

Tous les archipels de la Polynésie française sont d'origine volcanique, mais il n'y pas d'activité volcanique terrestre récente, seulement quelques volcans sous-marins aux éruptions fréquentes, les futures îles de demain.

Les îles hautes sont formées de montagnes basaltiques creusées de profondes vallées par l'érosion. Les vallées sont fertiles, la végétation variée et luxuriante. Si elles sont assez hautes, elles ont un versant humide au vent et un versant plus sec sous le vent des alizés d'est, sinon elles sont plus arides.

Les atolls sont d'origine corallienne, le sol calcaire saturé de sel comporte exclusivement des débris coralliens arrachés au récif et accumulés en îlots appelés « motu ». Privés de rivières et de lacs, les atolls ont souvent des nappes souterraines dues à l'infiltration des eaux de pluie. Couronne corallienne affleurante sur laquelle sont disséminés des motu (3 ou 4 m au dessus de l'eau) les atolls ne retiennent pas les nuages et sont soumis aux caprices et au déchainement de l'océan lors des cyclones.

L'origine du peuplement du grand Triangle Polynésien ne fait toujours pas l'unanimité chez les ethnologues. Les deux principales théories soutiennent l'une l'origine sud-américaine (expédition du Kon Tiki en 1947), l'autre l'origine asiatique. A ce jour, cette dernière hypothèse tient la corde. Le peuplement du Pacifique sud se serait effectué par l'ouest à travers de vastes étendues océaniques sur de longues pirogues doubles, emportant avec eux vivres et animaux vivants et qu'ils ont atteint les îles de proche en proche, y faisant souche.

Notre découverte de la Polynésie française débute par l'archipel des Marquises situé à 3000 milles des Galapagos. Les îles situées à la limite des eaux équatoriales à 1.400 km de Tahiti sont les premières à être découvertes de toute la Polynésie. Le navigateur espagnol Alvaro Mendana de Neira y débarqua en 1595. Plus tard Bougainville en 1768 ne s'arrêta pas, mais Cook en 1774 redécouvre l'archipel, il faut attendre 1791 pour que le navigateur Etienne Marchand prenne possession des îles du groupe nord (Nuku-Hiva, Ua-Pou et Ua-Huka) mais sans une occupation permanente. Dès 1820 les évangélisateurs protestants et catholiques trouvent là une nouvelle terre de mission, ces derniers eurent le dessus, les Marquisiens sont majoritairement catholiques au contraire de l'archipel de la Société. Les Marquises sont définitivement françaises en 1842 sous Louis-Philippe avec l'amiral Dupetit-Thouars.

Ces îles bien connues des baleiniers faisaient l'objet d'un véritable pillage des ressources naturelles depuis très longtemps. Pendant ce demi-siècle de contact avec les Européens, la population des Marquises fragilisée par les maladies, décimée par les guerres tribales, en proie au fléau de l'alcool frelaté qui servait de monnaie d'échange aux baleiniers diminuait dramatiquement. De 60.000 au début du XIX° siècle, elle tombe à environ 2-3.000 âmes au début du XX° siècle avant de remonter aujourd'hui à près de 10.000 habitants pour toutes les îles des Marquises.

Blocs de lave surgis au milieu du Pacifique, ces îles hautes ont un profil tourmenté, résultat de l'érosion marine et éolienne. Aiguilles et pics culminant à plus de 1000 m côtoient de hauts plateaux qu'interrompent d'abruptes falaises et dominent de profondes vallées où se nichent de rares localités.

Les Marquises, appelées localement « Henua Enana » (« Terre des Hommes ») sont le premier lieu d'installation des Polynésiens lors des grandes migrations océaniques dans le Pacifique sud au tout début de notre ère, voire juste avant. Terres de légendes, ces îles abondent en vestiges archéologiques. Mais revenons au périple de Ramatoa dans cet archipel.

Fatu-Hiva est la première île que nous touchons à l'issue de notre traversée. Lundi 25 mai au petit matin, nous atterrissons dans la mythique baie des vierges, c'est une image inoubliable et spectaculaire. La population de 650 habitants se regroupe dans deux villages sur la cote ouest : Hanavave au fond de la baie des vierges et Omoa un peu plus au sud. Du mouillage nous visiterons le calme village enchâssé au pied des colonnes basaltiques qui le surplombent. Il y a une bonne douzaine de voiliers au mouillage qui s'avère de mauvaise tenue. Nous y restons que deux jours en toute illégalité car il nous faut effectuer notre entrée officielle à la Gendarmerie d'Atuona sur l'île d'Hiva-Oa et Berny doit également modifier son plan de vol retour vers Paris à partir d'Hiva-Oa et non pas de Nuku-Hiva comme prévu initialement. Promenades dans le village, discussions avec les Marquisiens, repas traditionnel chez l'habitant... bref la découverte de la douceur de vivre dans ce coin de paradis terrestre. Le mercredi 27 mai nous mettons les voiles et franchissons les 45 milles qui nous séparent de Hiva-Oa que nous atteignons dans l'après-midi.

Hiva-Oa est la principale île du groupe des îles du sud (Fatu-Hiva, Hiva-Oa, Tahuata). Jeudi 28 de très bonne heure nous sommes réveillés par l'arrivée très bruyante de l'Aranui 3, le cargo mixte de 110 m qui approvisionne les îles toutes les deux à trois semaines depuis Tahiti, la place est très restreinte avec les nombreux voiliers au mouillage et la manœuvre est délicate et précise. La bourgade principale est Atuona à 4 km (parcourus en stop) où nous trouvons des commerces, des fruits et des légumes, une banque et la poste. Il y a même une connexion WiFi depuis le petit port d'Atuona dans la baie de Tahauku. Berny, de son coté arrive non sans quelques difficultés à négocier un passage sur Air Tahiti entre Hiva-Oa et Nuku-Hiva le mardi 2 juin. Visites des centres culturels consacrés à Paul Gauguin et à Jacques Brel qui sont modestes mais très bien entretenus et attrayants. De très nombreuses reproductions de tableaux du peintre et le fameux « Jojo » avion bimoteur du chanteur sont les pièces maîtresses de ces deux lieux. Naturellement nous sommes montés au petit cimetière, qui domine Atuona avec une vue superbe sur la baie des Taaoa, pour y découvrir les tombes de ces deux artistes qui reposent à quelques mètres l'un de l'autre.

Nous réservons un 4x4 de location pour le lundi de Pentecôte pour aller faire une excursion dans l'intérieur de l'île. Vendredi matin : formalités d'entrée en Polynésie française effectuées à la Gendarmerie d'Atuona. Nous levons l'ancre dans la foulée pour aller passer le week-end sur l'île voisine à Tahuata. Traversée du canal du Bordelais qui sépare ces deux île et nous voilà déjà arrivé devant trois petites baies d'Hanamoenoa avec des plages de sable blanc, l'eau est claire, le mouillage bien plus calme que celui d'Atuona.

Dimanche 31 mai après-midi nous retournons mouiller dans le petit port d'Atuona. Lundi matin, récupération du 4x4 et en route pour la visite tout d'abord au hameau de Taaoa à 7 km au sud-ouest d'Atuona où nous découvrons une jolie petite église puis en remontant la vallée un site archéologique, le « Tohua Upeke », partiellement restauré avec de très nombreuses plates-formes religieuses et de sacrifices : les « maerae », qui s'étagent sur plusieurs niveaux. Ensuite nous mettons le cap vers Puamau sur la côte nord-est de l'île, la route est goudronnée jusqu'à l'aéroport puis c'est une piste de montagne escarpée qui monte jusqu'au col à 1000 m puis redescend vers la cote nord et longe tous les promontoires. Le temps est splendide, les sommets sont dégagés, la vue superbe, les a pics impressionnants. En fin de matinée nous arrivons au petit bourg de Puamau et visitons le site archéologique de Lipona, probablement le plus ancien des Marquises. Il représente un sanctuaire religieux organisé en deux terrasses avec cinq « Tikis », statues monumentales en tuf gris. Enfin à midi, déjeuner typiquement marquisien chez Marie-Antoinette, sur la route du retour nous achèterons de fruits (régime de bananes et pamplemousses) chez un dénommé O'Connor descendant lointain d'un marin irlandais qui s'était établi dans le pacifique sud. Le soir Berny nous invite à diner à une fort bonne table avec vue superbe sur la baie de Tahauku et la ville d'Atuona. Mardi matin, il prend son avion et débute son long retour vers la métropole.

Nous restons quelques jours à Atuona, puis repartons à Tahuata pour aller mouiller dans la baie des dauphins à Hanatafau, en fait il s'agit d'une baie où les dauphins aiment venir se reposer et dormir, on en voit toujours une bonne dizaine. A terre nous débarquons et visitons le petit village d'Hapatoni qui abrite quelques dizaine de familles. Le temps s'est arrêté, la baie est splendide et assez bien abritée, nous y restons deux jours. Samedi et Dimanche, nous retournons à Hanamoenoa et retrouvons Laurent sur Balaë. Tahuata est la plus petite île habitée de l'archipel avec seulement 650 habitants dans les deux villages de Vaitahu et d'Hapatoni. La baie de Vaitahu fut le théâtre d'épisodes marquants le destin des Marquises : - les navigateurs Mendana en 1595, Cook en 1774 puis Étienne Marchand en 1791 y mouillèrent. - Les missionnaires y prirent pied en 1797 puis 1838 et firent de Vaitahu la tête de pont de l'évangélisation aux Marquises. - En 1842, l'amiral Dupetit-Thouars fit signer le traité de rattachement des Marquises à la France au chef coutumier Iotete.

Lundi 8 juin avant l'aube nous quittons la baie d' Hanamoenoa et gagnons 65 milles plus au nord-ouest le petite île d'Ua-Pou. Située à une vingtaine de milles au sud de Nuku-Hiva elle appartient au groupe des îles du nord, elle présente un relief tout a fait original avec 12 « necks », des colonnes basaltiques géantes qui lui donne un profil de château des mille et une nuits ! Ua-Pou se distingue sur le plan culturel et artistique, elle est le berceau du renouveau artistique marquisien. Si sur ce plan Ua-Pou se révèle être très dynamique avec ses groupes de danseurs et de chanteurs, ses sculpteurs sur bois et sur pierre, il n'en va pas de même sur le plan du tourisme ou l'île est plongée dans une léthargie à l'ombre de sa montagne dont les pics culminent à 1200 m. Seul le passage de l'Aranui 3 et de sa trentaine de touristes anime la petite ville d'Hakahau toutes les trois semaines. Nous mouillons devant Hakahau relativement protégé de la houle qui rentre un peu dans la baie. Nous y retrouvons un bateau Helvétique « Kopernik » de Georges & Eva. Balades à terre, palabres avec les habitants qui sont très heureux d'être abordés par les voileux de passage. En quelques instants et après avoir noué des contacts sur le quai avec les femmes de pêcheurs, Ramatoa hérite de 20 à 25 kg de fruits frais : des pamplemousses, des mangues, des goyaves, des citrons et des oranges, sans oublier un beau fruit de l'arbre à pain. Dominique fait des compotes et des conserves. Nous allons à la kermesse du collège, avec des danses des élèves et un repas authentique préparé dans le four marquisien. Nous assistons aux préparatifs de la communauté pour recevoir le haut commissaire de la République Française qui vient à Ua-Pou ce week-end. Samedi 13 juin nous faisons un saut de puce de 5 à 6 milles pour rejoindre le village voisin dans la baie d'à coté. Il s'agit d'Hakatehau, l'ancienne capitale de l'île, bien endormie aujourd'hui, promenades dans les rues et chemins qui sentent bon le tiare, discussions et achat d'un flacon de Monoï produit localement et parfumé au jasmin de l'île.

Dimanche 14 juin, nous traversons le bras de mer, 25 milles, qui nous sépare de Nuku-Hiva et mouillons dans un site exceptionnel et désert au pied des murailles rocheuses sur un lac intérieur d'où la mer n'est pas visible, le cirque montagneux est tellement escarpé que nous sommes à l'ombre dès 15 heures et ne voyons pas le soleil avant 9 heures. Il s'agit de la baie d'Hakatea, invisible du large, à 5-6 milles à l'ouest de la capitale Taiohae. Nous sommes un petite dizaine de voiliers au mouillage, mais le calme est absolu.

Lundi 15 juin matin, nous faisons route vers la capitale des Marquises « Taiohae ». Nuku-Hiva est la plus vaste et la plus peuplée des îles de l'archipel des Marquises. Nous avons tous les deux rendez-vous avec le dentiste, des appros à faire car la cambuse regorge de fruits frais mais plus de viandes ni de légumes. Taiohe est une petite bourgade de 2000 habitants au pied d'un cirque montagneux et allongée en arc de cercle le long d'un vaste baie. C'est moins coquet et moins soigné que sa jumelle Atuona sur l'île d'Hiva-Oa. Les commerces sont éloignés et très dispersés, sans compter le dentiste et la pharmacie qui sont à l'opposé du débarcadère à une bonne ½ heure de marche à pied ! Ce matin le cargo mixte « Aranui 3 » est venu à quai pour quelques heures d'escale, les rayons des épiceries vont se remplir. Le temps est gris et il pleut abondamment, surtout la nuit... bref nous sommes maussades, comme le temps, et avons envie de lever l'ancre pour aller vers d'autres mouillages.

Vendredi 19 juin, nous rejoignons le mouillage d'Anaho sur la côte nord de Nuku-Hiva, la mer est un peu agitée, le vent faible et dans le nez, nous parcourons les 21 milles au moteur, cela tombe bien il nous fallait faire de la charge. A l'arrivée, en début d'après-midi nous découvrons un mouillage de toute beauté en bordure du seul platin corallien des Marquises. Nous sommes 6 voiliers à l'ancre et retrouvons Laurent sur « Balaë ». Le lendemain nous nous rendons à pied au village voisin de Hatiheu qui donne sur la baie voisine. Une bonne heure de randonnée sur un chemin muletier et 280 mètres de dénivellé.... mais la vue sur les baies est absolument magnifique. Au retour dans la cocoteraie d'Anaho nous discutons avec Adrienne et son frère Léo, ils nous parlent de leurs vies ici aux Marquises. Il nous offre un régime de bananes et nous emmenons pour lui du matériel à Taiohae. Snorkeling sur le corail en fleur, avec les tortues et les raies mantas et pastenagues.

L'alizé souffle très frais à 25-30 nœuds pendant 3-4 jours, ce n'est que le samedi 27 juin que nous faisons le trajet retour vers Taiohae. Nous reprenons notre place au mouillage devant la maison du gouverneur. Avitaillement : vivres, boissons, gasoil et essence. Prévisions météo sur Internet, mise en ligne de l'article et nous voilà prêts à partir.

Mercredi ou jeudi nous mettrons les voiles pour rejoindre notre premier atoll des Tuamotu, une nouvelle aventure commence. Nous quittons avec regret les îles Marquises - Nous y avons vu des sites splendides et remarquables - Nous avons un peu découvert l'âme des polynésiens, : la culture, la langue, les traditions et les coutumes – Nous avons admiré l'artisanat marquisien – Mais par dessus tout nous avons apprécié la gentillesse extrême des Marquisiens sous des aspects parfois un peu rudes, nous avons aimé cette douceur de vivre où le temps et le monde moderne ont bien peu de prise. Depuis notre départ de France métropolitaine, il n'y a pas de doute l'archipel des Marquises grimpe très haut dans le « Top Ten » des plus belles escales de Ramatoa. Nous comprenons que certains voiliers programment une année entre les îles Gambier et les Marquises.

Nous ne savons pas quand nous aurons de nouveau une connexion internet, il n'y aura peut-être pas de nouvel article avant la fin du mois de juillet.... il vous faudra un peu de patience.... mais pour nous le temps ne compte déjà plus, nous sommes devenus un petit peu Marquisiens !


Ne manquez pas d'aller consulter toutes les photos que nous avons glissés pour vous dans l'album des « îles Marquises ».


Benoît & Dominique sur Ramatoa à Taiohae le 28 juin 2009.

 

 

 

 

 

 

 

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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 04:03
Pour notre départ des Galapagos vers les îles Marquises, nous avions envisagé de faire une courte escale discrète sur l'île d'Isabella... mais c'était sans compter sur le zèle inconsidéré et l'amour abusif de la réglementation du jeune et fraîchement nommé nouveau capitaine du port qui fait la pluie et le beau temps à Puerto Villamil... Pour nous cela sera la pluie ! Donc finalement nous sommes partis directement vers l'archipel des Marquises à près de 3000 milles plus à l'Ouest, la cambuse pleine de fruits et légumes.

Dimanche 3 Mai 2009 [J1 : 135 Mn – 2826 Mn].

Nous passons près de deux heures à nettoyer le mouillage arrière après l'avoir remonté par son orin ; le câblot, le flotteur, l'ancre bref tout ce qui a mariné pendant trois semaines dans les eaux chaudes de Puerto Ayora était recouvert d'une pellicule grasse d'algues. A dix heures, moteur en route nous remontons le mouillage principal et quittons Puerto Ayora. Vent nul, mer lisse et faible houle. Nous nous déhalons lentement à 5 nœuds au moteur à 1500 t/mn, le régime économique (environ 2,5 l/h de gasoil). Nous nous glissons hors de l'archipel, longeons à 8–10 milles la côte sud d'Isabella et apercevons Floreana sur notre bâbord. A 13 heures le vent se lève à 10–15 nœuds et nous mettons en route à la voile, mais nous sommes au près le vent est Sud. La mer est calme, l'allure confortable pour la première nuit. En fin de nuit le vent faiblit à moins de six nœuds et nous refaisons près de trois heures de moteur. Pour la première journée nous parcourons 135 milles, il en reste encore 2826 !

Lundi 4 Mai 2009 [J2 : 131 Mn – 2695 Mn].

Au lever du jour un peu grisouille, le vent revient du Sud-Est, peu de houle, la mer est belle. Au point quotidien de 10 heures, dégagés de l'archipel nous modifions notre route et prenons le cap des îles Marquises... 2800 milles sur le même bord ! Dans la journée le vent adonne légèrement et grimpe à 15 nœuds et il mollit la nuit à 10 nœuds en refusant un peu. Fin d'après-midi une touche sur la ligne de pêche... mais je ne conclus pas... la petite prise saute et se dégage à une dizaine de mètres du bateau. Le ciel s'est dégagé, il est d'un bleu pur sans un nuage, le coucher de soleil somptueux et la nuit étoilée. A la vacation BLU de 19 heures nous avons Laurent, navigateur solitaire sur « Balae » un Damien IV parti en même temps que nous de Santa Cruz. Bref une belle journée de voile (131 milles), idéale pour notre amarinage aux uns et aux autres.

Mardi 5 Mai 2009 [J3 : 136 Mn – 2560 Mn].

Très belle nuit sous voile et sous les étoiles. 9 heures : vacation BLU du matin et nous conversons avec - Régis & Jeanne sur « Tche » qui sont à 500 milles de l'île de Pâques – et Christian & Mireille sur « Memestra » qui approchent des Gambier. Le vent est plus soutenu aujourd'hui et la mer un peu plus cabossée. A 15-20 nœuds à 95-100° du vent Ramatoa caracole toutes voiles dehors (GV + GSE) à plus de six nœuds. L'hydrogénérateur, l'éolienne et les panneaux solaires produisent bien, nous pourrions revendre des kilowatts à EDF ! Cet après-midi Dominique boulange mais son pot de farine, dans un coup de gîte, prend la poudre d'escampette et atterrit en vrac sous la table à carte. Au programme : nettoyage des planchers ! Belle journée à 136 milles et très beau coucher de soleil.

Mercredi 6 Mai 2009 [J4 : 134 Mn – 2425 Mn].

Belle nuit calme avec un vent faible de 10 nœuds environ. Quart tranquille à reconnaître les constellations, ici (2°-3° S) nous voyons simultanément la Grande Ourse et la croix du Sud et sur notre cap Orion. A huit heures nous envoyons le spi car le vent reste modéré à 12-15 nœuds toute la journée et mollit à 8-10 nœuds pendant la nuit suivante. Toujours rien sur la ligne malgré tous nos efforts pour varier les leurres... nous nous rabattons sur le thon en boite. Après plus de 24 heures sous spi nous espérions améliorer notre moyenne quotidienne, mais le GPS est implacable, nous enregistrons 134 milles. C'est tout de même pas mal, pourvu que cela dure jusqu'au bout !

Jeudi 7 Mai 2009 [J5 : 143 Mn – 2283 Mn].

Toujours pas de poissons en vue, ils doivent avoir assez à manger sans aller tenter leur chance sur notre ligne. C'est désespérant car nous rêvons d'un petit thon ou d'une bonne daurade coryphène. Coté voile la journée est moyenne : la mer houleuse et le vent insuffisant pour nous appuyer efficacement, nous sommes ballottés, le confort est moyen et la moyenne sera médiocre. Le vent ayant adonné au grand largue, le spi asymétrique ne porte plus efficacement dans la houle, nous le tangonnons au vent comme un spi symétrique et cela fonctionne plutôt bien. Mais en fin d'après-midi une ligne de grains apparaît à l'horizon et nous revenons sous génois et GV à 1 ris. Le vent reste bien soutenu toute la nuit aux alentours de 20 nœuds... et finalement nous enregistrons notre meilleure moyenne quotidienne depuis le départ (143 Mn).

Vendredi 8 Mai 2009 [J6 : 164 Mn – 2119 Mn].

Ça marche toujours fort : 6,5 – 7 nœuds. Ce matin, changement de fuseau horaire, nous passons de UTC-6 à UTC-7 et reculons nos montres d'une heure. A la vacation BLU du matin, Régis & Jeanne sur « Tche » arrivent dans moins de 48 heures sur l'île de Pâques alors que Christian & Mireille sur « Memestra » se débattent au prés serré dans une dépression aux abords des îles Gambier. Quant à Laurent de « Balae », avec qui nous sommes partis dimanche dernier de Puerto Ayora, accuse un retard de près de 235 milles... c'est difficile la navigation en solitaire. 10H30 : Berny prend notre première prise, une daurade coryphène de 3 kg, immédiatement mise en condition elle glisse dans le four... le repas de midi est prêt ! Vent super régulier aujourd'hui, s'il se maintient la nuit prochaine nous devrions établir une belle moyenne... résultat : 164 milles dans les 24 heures !

Samedi 9 Mai 2009 [J7 : 150 Mn – 1969 Mn].

Nuit rapide, vent régulier et ciel partiellement couvert et même quelques gouttes de pluie. Dans la matinée le vent ne dépasse plus les 17-18 nœuds, le ris de la grand voile est largué. Encore un poisson de perdu ainsi que le leurre et cerise sur le gâteau, la ligne s'enroule et bloque l'éolienne, bref la totale ! Joli coucher de soleil et leçon d'astronomie appliquée dans un ciel sans un nuage mais avec une lune pleine et aveuglante.

Dimanche 10 Mai 2009 [J8 : 119 Mn – 1952 Mn].

Nuit un peu chaotique. Le ciel se couvre vite de nuages menaçants, ils nous gratifient d'averses et de quelques grains. Nombreuses manœuvres de voiles à la clé (spi hissé et rentré, ris pris et relargués dans la grand-voile, génois roulé et déroulé...). Entre les grains le vent tombe à moins de 8-9 nœuds avant de remonter à 25-27 nœuds. Et pour clôturer en beauté la première semaine de navigation nous refaisons route au moteur pendant 2 ½ heures, bref Le reste de la journée est nuageux, le vent très irrégulier la moyenne baisse sensiblement pour ce début de deuxième semaine. C'est dimanche et Dominique nous confectionne un délicieux brownie au chocolat. Au dîner : apéritif pour fêter le premier tiers de la traversée. En fait c'est une journée avec un temps maussade et une distance parcourue de seulement 119 milles.

Lundi 11 Mai 2009 [J9 : 127 Mn – 1725 Mn].

Le beau temps est revenu, le vent est reparti. Journée sous spi avec des vents très faibles inférieurs à 8 nœuds, nous ne progressons pas bien vite souvent autour de trois ou quatre nœuds. Toujours pas de poisson au bout de la ligne. Petits bricolages divers avec la réparation d'un petit accroc sur le spi et le resserrage du moyeu de l'éolienne qui menaçait de voler de ses propres ailes. Aujourd'hui seuls les panneaux solaires sont efficaces faute de vent et de vitesse, l'éolienne et l'hydrogénérateur ont une production des plus médiocres. Le vent revient de l'Est , Sud-Est pendant le dîner, le ciel se couvre de nuages menaçant, le spi est rentré. Toute la nuit nous avançons à bonne allure dans un alizé qui grimpe à 20-25 nœuds. Nous rattrapons le temps perdu dans la journée et effectuons quand même 127 milles.

Mardi 12 Mai 2009 [J10 : 146 Mn – 1579 Mn].

Au petit jour, temps gris avec parfois un peu de crachin et mer grise assez creuse, l'alizé est remonté à l'Est et reste vif autour de 20 nœuds. Le génois est tangonné sous le vent, Ramatoa caracole à bonne allure sur les vagues qui le rattrapent. Toute le journée le temps reste maussade et frais, encore un effort d'imagination, on se croirait en Manche ou en mer d'Irlande ! Nuit couverte et vent assez régulier autour de 14-15 nœuds. Bonne moyenne de 146 milles, nous franchissons la mi parcours à 03H00.

Mercredi 13 Mai 2009 [J11 : 130 Mn – 1450 Mn].

Au petit jour, le vent faiblit un peu et tourne à l'Est. Le génois est tangonné au vent et Ramatoa repart plein vent arrière. Pêche toujours infructueuse malgré tous les efforts déployés par Berny pour monter de superbes leurres... peut-être est-ce l'hydrogénérateur que nous traînons qui éloigne les poissons de notre ligne. Temps maussade et vent assez régulier pendant toute la nuit où Ramatoa court plein vent arrière.

Jeudi 14 Mai 2009 [J12 : 141 Mn – 1309 Mn].

Fin de nuit bruyante avec les voiles qui claquent furieusement, le vent est remonté à l'Est Nord-Est et le bateau n'est plus appuyé par le vent. Empannage de la grand voile et du Génois tangonné, Ramatoa repart de plus belle. Toute la journée le vent se maintient à 15-17 nœuds de Nord-Est. La houle est plus forte et la mer plus formée, nous sommes un peu secoués d'autant plus que nous filons souvent à 7 nœuds. Cela ne nous empêche pas de faire notre partie de Scrabble. Ce n'est qu'à la tombée de la nuit que le vent redescend à l'Est Sud-Est et donc... manœuvre inverse : ré-empannage de la GV et du génois. Toute la nuit le vent soufflera régulièrement entre 18 et 21 nœuds, nous faisons de la bonne route et parcourons 141 milles dans la journée.

Vendredi 15 Mai 2009 [J13 : 161 Mn – 1148 Mn].

L'alizé ne s'essouffle pas au lever du jour, le compteur tourne vite ! La mer est un peu cabossée et nous la bousculons à 6,5-7 nœuds de moyenne, le confort à bord s'en ressent un peu. A la vacation BLU, nous suivons la progression de Laurent sur « Balae » qui est maintenant à plus de 350 milles derrière nous. Contact également avec Richard sur « Aziza » un catamaran qui est 350 milles devant nous, il fait également route vers Fatu Hiva. Dans l'après-midi, nous sommes lentement dépassés par un voilier qui grandit sur l'horizon et passe sur notre bâbord à près de 3-4 milles sans aucun contact radio, c'est le premier bateau que nous voyons depuis le départ ! Nuit rapide avec un alizé qui reste frais à plus de 20 nœuds. Bonne journée à 161 milles mais le record de vendredi dernier à 164 milles tient toujours !

Samedi 16 Mai 2009 [J14 : 152 Mn – 997 Mn].

Le vent nous accompagne et se maintient au dessus de 20 nœuds du Sud-Est. La mer est agitée d'une houle assez creuse de 2-3 mètres environ qui nous arrive par le travers. Le speedo s'affole entre 7,5 et 8,5 nœuds, nous sommes bien secoués. Encore une prise de perdue, elle a déroulé tout le fil de la bobine et s'est décrochée... c'est rageant ! A la vacation BLU, nous avons Jeanne sur « Tche », ils s'apprêtent à quitter l'île de Pâques demain à destination de Pitcairn et des Gambier. Fin d'après-midi plus calme avec un alizé plus raisonnable. Le vent mollit pendant la nuit et au petit matin c'est pétole avec les voiles qui battent. Nous franchissons la marque de parcours des derniers 1000 milles avant Fatu Hiva.

Dimanche 17 Mai 2009 [J15 : 124 Mn – 874 Mn].

Malgré tous nos efforts pour faire avancer Ramatoa (empannage et spi envoyé puis tangonné...), la vitesse tombe à moins de 3-4 nœuds, les voiles battent, le voilier souffre. La 2° semaine s'est terminée de façon correcte avec 152 milles dans les dernières 24 heures, nous avons parcouru 975 milles depuis dimanche dernier. Le vent revient dans l'après-midi et restera soutenu toute la nuit. La moyenne ne sera finalement pas trop mauvaise avec 124 milles parcourus.


Lundi 18 Mai 2009 [J16 : 140 Mn – 738 Mn].

Au lever du jour, le vent revient, les manœuvres d'empannage recommencent. Une fois établi et en route à bonne allure sous un alizé de 15-17 nœuds, Ramatoa trace régulièrement son sillage. Au Scrabble, Dominique m'écrase à plat de couture ! La deuxième moitié de la nuit est bien pénible avec un vent totalement irrégulier et imprévisible sous les petits grains de pluie. Les voiles battent, le crachin tombe, le speedo est au point mort, bref coup de fatigue et moral en berne.

Mardi 19 Mai 2009 [J17 : 126 Mn – 610 Mn].

Le jour se lève sur une mer et un ciel uniformément gris et triste, le vent a disparu, seule la houle perdure. Nous faisons route au moteur. La pluie continue fait son apparition, nous en profitons pour nettoyer le cockpit et le pont, nous faisons route au moteur, c'est la pétole intégrale. Toujours aussi peu de bonheur à la pêche... aujourd'hui à trois reprises des touches mais qui se détachent dont deux en tordant les gros hameçons doubles ! Après 11 heures de route au moteur, le vent revient doucement de l'Est, nous remettons en route à la voile, le beau temps est revenu. La nuit s'écoule tranquillement sous un très beau ciel étoilé, le vent est modéré (12-13 nœuds) mais régulier, Ramatoa avance tranquillement à près de 5 nœuds de moyenne.

Mercredi 20 Mai 2009 [J18 : 115 Mn – 498 Mn].

Après une nuit très calme où nous avons pu tous dormir tranquillement. Le jour se lève, le temps est gris mais le soleil revient vite. Coté pêche, un beau thazard d'un bon mètre nous échappe, bas de ligne cassé au niveau des sleeves, à quelques mètres du bateau seulement... quelle guigne... pour rester poli ! Journée de petit temps au vent arrière avec un progression lente autour de 4-5 noeuds. Journée bricolage en tout genre pour Benoît : démontage, nettoyage et graissage des winches de génois, réparation de l'abattant des WC et réfection de l'étanchéité du hublot au dessus de la table à cartes. Journée gâteau au chocolat pour Dominique et journée lecture pour Berny. Toute la nuit, la progression reste assez lente mais régulière dans un « temps de demoiselles », la mer et la houle se calment lentement, l'allure est très confortable.


Jeudi 21 Mai 2009 [J19 : 127 Mn – 372 Mn].

Au petit jour, vers 6H00 du matin, nous franchissons simultanément - le cap des derniers 500 milles à parcourir avant Fatu Hiva, et - le loch du GPS enregistre 18 000 milles parcourus depuis la mise à l'eau de Ramatoa le 13 avril 2006 aux Sables d'Olonne ! Bricolage avec Berny pour réparer les silent blocs défectueux de l'alternateur Mastervolt, la fixation est maintenant correcte avec une absence de vibration et de porte à faux, mais le palier ou le roulement de la poulie de l'alternateur ont du souffrir un peu. En début d'après-midi le vent s'évanouit et tombe en dessous de 6 noeuds, le moteur est mis en route et nous le couperons qu'en milieu de nuit vers 2H30 quand le vent revient doucement du secteur Sud-Est. Fin de nuit tranquille sous voile, Ramatoa glisse sur une mer plate.

Vendredi 22 Mai 2009 [J20 : 116 Mn – 256 Mn].

Le soleil se lève sur une mer et un ciel gris. Rapidement le soleil reprend le dessus, la mer est calme, la houle faible et le vent faible de secteur Est, nous progressons à la voile lentement entre 4 et 5,5 nœuds. Aujourd'hui changement de fuseau horaire, nous passons en GMT-9 ce qui nous fait 11 heures de décalage avec les enfants et la famille en France. Parties de cartes et bricolages divers sont au programme de l'après-midi. A la vacation BLU du soir Laurent sur « Balae » est maintenant à près de 600 milles derrière nous. Ce soir deux frégates et un fou tournent au dessus du bateau, c'est le premier signe de notre approche de la terre, c'est sympa, nous sommes à moins de 300 milles des Marquises. Nuit de petit temps, mer belle et ciel étoilé sans lune aucune. Vers 1H00 du matin le vent nous abandonne totalement, les voiles battent furieusement, le génois est roulé et le moteur mis en marche. Nous faisons route au moteur jusqu'au petit déjeuner.

Samedi 23 Mai 2009 [J21 : 120 Mn – 168 Mn].

Dès le début de la matinée le vent d'Est revient sous un soleil radieux. Nous faisons route à la voile sous une brise régulière de 12-15 nœuds qui ne nous fera pas défaut de toute la journée. Nous progressons à 5 nœuds de moyenne, la longue houle de l'arrière nous fait rouler, mais l'allure reste très confortable. Coup de fil hebdomadaire par le téléphone satellite à mes parents, nous apprenons le décès d'une amie d'enfance très proche de mes parents, c'est dans un tel moment où notre présence aurait pu les réconforter que nous mesurons combien l'éloignement est maintenant important. L'Iridium reste dans ces occasions un lien privilégié irremplaçable pour apporter un peu de réconfort aux parents et amis dans la souffrance. La nuit est belle et le vent ne faiblit pas, nous maintenons une vitesse tout a fait correcte dans cet alizé modéré. Au point quotidien, il ne nous reste plus que 168 milles à parcourir, l'arrivée est proche !

Dimanche 24 Mai 2009 [J22 128 Mn – 9 Mn].

Comme souvent le matin, le ciel est chargé de nuages, mais le soleil réchauffe vite l'atmosphère et le ciel bleu revient très vite avec des cumulus de beau temps. Encore des manœuvres d'empannage pour suivre les caprices du vent qui varie fréquemment en direction, ce qui ne nous permet pas de rester au vent arrière sur le même bord. Imperturbablement nous pêchons... rien... absolument rien ! Visite, ce matin, d'un tout jeune fou brun qui est venu se poser sur le bateau, il est épuisé, refuse de boire et de se nourrir et n'a aucune crainte des hommes. Il s'est installé sur la console des instruments puis dans le fond du cockpit où nous le laissons récupérer. Bonne dernière nuit de navigation avec un vent qui reste stable et modéré. En fin de nuit nous parons prudemment un rocher isolé à une dizaine de milles au large de Fatu Hiva. Au lever du jour nous découvrons l'ombre de l'île sous notre vent à une bonne douzaine de milles.

Lundi 25 Mai 2009 [J23 9 Mn].

Approche de Fatu Hiva par grand beau temps, bon vent et belle mer.... des conditions idéales. L'île est escarpée et son aspect totalement sauvage, nous longeons la côte à 1,5 mille. A l'abri de l'île nous découvrons ensuite la Baie des Vierges, mouillage culte et mythique de tous les globe flotteurs qui croisent dans ces eaux merveilleuses. Naturellement nous ne serons pas seuls au mouillage, il y a déjà une dizaine de voiliers à l'ancre, nous reconnaissons des visages et des bateaux connus. Nous nous glissons au fond de la baie presque en première ligne, affourchons sur deux ancres car le fond caillouteux a une tenue fort douteuse.

Il est 9H30 à la pendule des Marquisiens, le bateau est immobile, les voiles ferlées, le pont rangé, nous goûtons le plaisir de notre arrivée et apprécions le paysage sublime de cette baie unique au monde !

Et voilà une belle étape qui se termine avec la traversée du Pacifique entre les Galapagos et les îles Marquises.


Bilan de la traversée : Galapagos – Marquises ... en quelques chiffres !

  • - Distance parcourue : 2978 Mn pour une route théorique de 2960 milles nautiques, soit 0,6% de plus pour une orthodromie de type sinusoïdale !

  • - 22 jours et 2 heures de navigation soit un total de 530 heures en mer.

  • - Moyenne de 5,62 nœuds sur le parcours, meilleure journée : 164 Mn, plus mauvaise journée : 115 Mn.

  • - Pêche : 8 prises... 7 perdues et une seule coryphène dans la cambuse... c'est nul !

  • - Croisé un seul et unique voilier qui nous a dépassé... pas vu un seul cargo ou un seul pêcheur.

  • - Vu deux bancs de dauphins mais seul le premier s'est intéressé à nous.

  • - Moteur : 37 heures (pour avancer par calme plat exclusivement).

  • - Groupe électrogène : 24 heures (pour l'eau douce essentiellement et l'électricité accessoirement).

  • - Gasoil : 125 litres consommés.

  • - Désalinisateur : 22 heures soit 1320 litres d'eau douce de la source Pacifique.

  • - Hydrogénérateur traîné pendant toute la traversée, ce qui nous a fait perdre environ 36 heures sur le temps de parcours !

  • - Boulangerie : 1 paire de bâtards au four tous les deux jours plus 5 pains de Porto Santo à la poêle soit un total d'environ 10 kg de pain frais... quel luxe !

  • - Yaourts : 1 tournée de 11 pots tous les cinq jours... c'est pas mal aussi une petite centaine de yaourts!

« Veux tu que je dise, gémir n'est pas de mise... aux Marquises. » Jacques BREL.


Bref il y a eu plus malheureux que nous pendant cette traversée qui s'est révélée assez rapide avec des vents modérés, une mer globalement très agréable et une excellente ambiance à bord avec le copain Berny. Puis, comme nous l'avait dit si bien tous ceux qui nous avaient précédés sur ce parcours, il y a à l'arrivée un véritable choc : - la beauté sauvage et extrême des îles Marquises qui vous saute aux yeux - l'accueil et la gentillesse sans borne des Marquisisens qui vous touchent le cœur... mais vous en saurez plus prochainement dans le prochain article du blog.


Benoît & Dominique sur Ramatoa - Hiva Oa - Posté le 1° juin 2009.


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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 17:20

L'image des Galapagos, celle de notre jeunesse, celle de nos exposés au collège en cours de géographie ou en cours de sciences naturelles, celle des images d'Épinal de la faune marine sauvage et belle, est toujours bien vivace dans nos esprits quand on débarque sur l'archipel. La réalité sera-t-elle à la hauteur de nos espérances ?

Vendredi 10 avril, nous arrivons à la nuit tombante en vue de Santa Cruz, la visibilité est médiocre les îles sont noyées dans une brume de chaleur. Entrée de nuit à Academia Bay devant la petite ville de Puerto Ayora, le mouillage est vaste mais anarchique et très encombré par les nombreuses vedettes, plus ou moins grandes et luxueuses, des voyagistes opérants sur l'archipel au départ de la plus grande agglomération des Galapagos. Le lendemain matin nous mouillons de nouveau dans un emplacement plus abrité et installons une ancre à l'arrière pour maintenir Ramatoa face à la houle qui rentre parfois dans la baie.

Coté formalités d'entrée et de séjour, la réglementation, les us et les coutumes évoluent perpétuellement rarement au bénéfice des voiliers en escale. Sauf à acquérir un « cruising permit » extrêmement onéreux (6-800$) dont la délivrance est longue et le résultat totalement incertain, le séjour d'un voilier est limité à 20 jours dans un seul des deux ports d'entrée des îles de Santa Cruz et  Cristobal, tout mouillage ailleurs est interdit. Pour échapper aux mesures aléatoires et inattendues des fonctionnaires du port, de l'immigration et des douanes il est maintenant recommandé de passer par un agent local... bonjour le tiroir caisse ! De toute façon, les Galapagos perpétuent le malaise découvert à Panama puis à Isla de Coco : le voilier de passage.. c'est une vache à lait dont l'unité de compte est le billet de 100$ ! C'est irritant et très onéreux alors que la vie courante (supermarchés, services,  marchés municipaux...) n'est pas démesurément couteuse et bien au contraire si on se procure des produits locaux.

Avant de vous narrer nos excursions et découvertes enthousiasmantes, quelques lignes pour vous présenter cet archipel mythique.

 

L'archipel des Galapagos constitué de treize grandes îles et six plus petites, dont cinq habitées, est situé à plus de 1000 km de la mère patrie : l'Équateur, et à plus de 1100 km du Costa Rica. La moitié des habitants (30 000) vivent à Puerto Ayora sur l'île de Santa Cruz. L'archipel est découvert accidentellement en 1535 par Thomas de Berlanga, premier évêque de Panama qui s'égara lors d'un voyage vers le Pérou. Après leur découverte, les îles servirent de base pendant plus de trois siècles aux boucaniers, pêcheurs de phoques et baleiniers. Elles fournissaient un mouillage abrité, du bois, de l'eau, de la viande fraîche avec les tortues capturées par milliers et entassées vivantes à fond de cale.

Le premier résident fut un Irlandais, Patrick Watkins, abandonné sur l'île de Santa Maria (Floreana) en 1807. Mais le visiteur le plus célèbre est Charles Darwin arrivé en 1835 sur le « Beagle », il y resta cinq semaines, passant 19 jours sur quatre des plus grandes îles à prendre des notes et récolter des spécimens, s'intéressant autant à la géologie, à la botanique qu'aux animaux terrestres et marins. Ces travaux lui permirent d'étayer, de formuler et publier quelques décennies plus tard la théorie de l'évolution.

 

Dès 1832 l'Équateur revendique la possession de l'archipel, y installe quelques colons et des colonies pénitentiaires jusqu'en 1959. En 1934 quelques îles sont classées « sanctuaire de la vie sauvage » puis en 1959 le Parc National est créé recouvrant 97% de l'archipel. Le Parc National et la Fondation Darwin (station de recherche avec statut d'ONG) gèrent ensemble les îles, les sanctuaires et la réserve marine crée plus récemment en 1986.

Les îles de l'archipel ont émergé sous l'aspect d'îles volcaniques stériles n'ayant aucune forme de vie. Toutes les espèces présentes aujourd'hui ont franchi plus de 1000 km pour coloniser ces terres vierges. Celles capables de voler ou nager sur de longues distances avaient les meilleures chances d'y parvenir mais le vent, les courants; les bois flottés et les animaux eux mêmes ont transporté graines, œufs ou larves d'insectes. La faune actuelle se caractérise par un grand nombre d'oiseaux, de mammifères marins et de reptiles. Les amphibiens, les mammifères terrestres et les insectes sont rares ou inexistants. Tous ces animaux ne craignaient pas l'homme, ils n'avaient aucun prédateur jusqu'à l'introduction par l'homme (colons & navigateurs) de cochons, chèvres rats et autres animaux domestiques.

Lors de son séjour en 1835, Charles Darwin observa et remarqua les différentes formes de bec chez 13 espèces de pinson. Les individus mieux adaptés (un bec plus pratique et plus adapté à son environnement) transmettent une caractéristique génétique favorable à leurs descendants. C'est ainsi que sur plusieurs générations (4 à 9 millions d'années), des caractères souhaitables sont conservés alors que d'autres moins favorables sont abandonnés. Au bout du compte les différences entre les premiers arrivés et leur lointaine descendance sont telles que ces derniers constituent une nouvelle espèce. Très simplifiée, ceci est l'essence de la théorie de l'évolution au moyen de la sélection naturelle élaborée par Darwin.

Dans ce paradis terrestre... la vie n'est pas si rose ! La colonisation humaine, le tourisme intensif, la surpêche et l'agriculture sont des fléaux difficiles à juguler et à maîtriser.

- L'Équateur favorise l'installation sur l'archipel, il y a de la place et du travail dans le tourisme pour tous. La population de Puerto Ayora est passée en quelques décennies de 3-4000 habitants à plus de 12000, c'est aujourd'hui une petite ville active en pleine expansion démographique et économique.

- Le tourisme a réellement démarré après l'ouverture de la fondation Darwin avec un peu plus de 1000 visiteurs par an. Début 1990 on estimait le flux à 60 000 et aujourd'hui c'est plus de 120 000 personnes qui visitent l'archipel tous les ans. Pour faire face à cet afflux un deuxième aéroport est ouvert, des hôtels sont construits et la flotte des bateaux d'excursion comporte plus de 50 à 60 unités de toutes tailles et de tous niveaux de qualité.

- La surpêche et les activités illégales de pêche sont un problème grave. La pêche des concombres de mer, le massacre d'otaries (pour servir d'appât), la pêche aux requins (pour les ailerons exclusivement), les prélèvements excessifs de homards, la mise en place de quotas sur des espèces menacées sont les principaux problèmes auxquels les pêcheurs ne sont pas prêts de respecter les réglementations existantes. Des actions violentes (1995 et 2004) opposent les pêcheurs et la Fondation Darwin. La station de recherche a déjà été la victime d'incendies et d'affrontements. Des contrôles sérieux existent pour la pêche au gros pratiqué par les touristes, mais ils sont quasi inexistants pour le commun des pêcheurs locaux.

- L'introduction d'animaux domestiques dans les îles représente une menace pour l'archipel. Les chèvres, cochons, rats... sont déjà à l'origine de la disparition de plusieurs espèces endémiques. Les insulaires perçoivent le Parc National comme une barrière les empêchant de vivre de l'agriculture. Par ailleurs un incident écologique sérieux s'est produit en 2001 avec l'échouage d'un pétrolier équatorien

 

L'Équateur, le Parc National et la Fondation Darwin tentent conjointement de promouvoir une politique de conservation raisonnable basée sur un tourisme responsable et un programme d'éducation à l'environnement à destination des résidents. La présence obligatoire des guides certifiés du Parc sur toutes les excursions dans l'archipel est une bonne chose mais... le niveau des guides (connaissance du milieu et biologie marine) est en chute libre, il n'y a presque plus de diplômés universitaires, les guides locaux (concours spécial) parlent à peine anglais et connaissent encore moins la biologie marine. Tout le monde travaille... c'est le nivellement par le bas... est-ce la bonne solution ?

Revenons à notre séjour à Purto Ayora... Jean Pierre & Annick nous ont quittés par avion le 19 avril à destination de Lorient, alors que Berny & Cathy sont arrivés le 14 avril en provenance de Rennes. Cathy vient passer des vacances aux Galapagos, Berny nous accompagnera jusqu'aux îles Marquises. Ils avaient dans leurs bagages un colis de près de 18 kg pour Ramatoa : le couvercle de la survie réalisé par Alubat. Le colis tant attendu est arrivé à bon port et sans difficultés douanières avec seulement 48 heures de retard, un grand merci à eux pour le transport de ce colis encombrant et à Bernard Roucher d'Alubat pour une réalisation exemplaire. Moins de deux jours plus tard le capot est en place avec la nouvelle survie correctement sanglée avec des mousquetons de largage rapide. Je rédigerai ultérieurement un petit retour d'expérience sur cette avarie et les corrections apportées.

Au mouillage de Puerto Ayora, tout à fait confortable si on prend le soin de mouiller des ancres à l'avant et à l'arrière, on entre de plein pied dans le mythe : l'eau est claire et poissonneuse, les otaries occupent toutes les plateformes laissées libres au bord de l'eau, les oiseaux marins très nombreux tournent dans la baie. Nous y avons vu tout autour du bateau des bancs de petites raies, des requins dormeurs, des otaries sur la jupe arrière de Ramatoa, des pélicans, des fous bruns, des frégates et des fous à pieds bleu... c'est un régal pour les yeux. Mais lors de nos excursions nous en avons pris plein les mirettes !

Mercredi 16 avril nous sommes partis en excursion, tous les six, sur l'île de Seymour  juste au nord de l'île de Baltra. Baltra, elle même au nord immédiat de Santa Cruz, abrite l'aéroport et un dépôt pétrolier et quelques installations industrielles (centrale électrique et usine de dessalement). A Seymour, accompagné du guide du Parc National, nous découvrons des oiseaux marins par centaine, des iguanes terrestres et marins, des otaries et lions de mer ainsi que de beaux requins pointes gris qui tournent autour du bateau pendant la préparation du repas.

Nous voyons essentiellement des frégates et des fous pieds bleu ainsi que quelques pétrels des Galapagos. A terre les œufs des fous pieds bleu, dont un seul sera conservé les autres détruits par les parents eux-mêmes, sont couvés et surveillés à tour de rôle par le père et la mère. Nous assistons aux parades amoureuses des frégates mâles qui gonflent leurs jabots écarlate et roucoulent pour attirer les femelles... c'est absolument superbe.

Nous croisons en débarquant sur l'île les « otaries de service » et des lions de mer qui paraissent au soleil sur les rochers ou à l'ombre des épineux sur le sable. Plus loin sur le sentier de découverte de l'île nous observons plusieurs Iguanes terrestres ils ont colorés (jaune, rouge ou brun) et distinguons plus difficilement des iguanes marins car ils sont immobiles de couleur noire ou grise sur des roches volcanique noire anthracite.

Samedi 18 avril, nous visitons la fondation Darwin à 20 minutes à pied du débarcadère. Visite un peu décevante car manque d'informations tout au long du circuit et de plus les expositions sont vieillottes et bien peu attractives. Nous y voyons de nombreuses tortues, des onze sous-espèces restantes de l'archipel, et la nurserie qui permet le repeuplement des îles où les populations de tortues ont été décimées, généralement par l'homme. Naturellement nous voyons ce pauvre « Lonesome George » tortue géante âgée de plus de 90 ans et dernier mâle survivant de la sous-espèce « Isla pinta » en voie de disparation... toutes les femelles qui lui ont été présentées n'ont pas su à ce jour obtenir ses faveurs !

Le parc de la fondation regorge de petits oiseaux : des pinsons et on y observe également des iguanes terrestres en captivité et des iguanes marins.

Mardi 21 avril, nous partons de nouveau en excursion pour une journée sur Floreana, île méridionale à une trentaine de milles au sud de notre mouillage. La traversée sur une vedette locale sur motorisée est rapide mais fort bruyante. Floreana est célèbre pour ses sites de snorkeling mais aussi pour l'histoire tragique des occupants qui succédèrent au départ de Patrick Watkins puis à l'installation du bagne sur l'île. Trois groupes de colons de nationalité allemande s'installèrent et de nombreuses tensions sont survenues entre les groupes dont les membres s'éteignirent et disparurent un par un dans des circonstances mystérieuses. La rumeur court toujours... la dernière survivante s'est éteinte en 2000, ses enfants et petits enfants tiennent aujourd'hui un petit hôtel et un restaurant à Puerto Velasco Ibarra le seul village de l'île qui regroupe une petite cinquantaine de familles.

Nous effectuons une balade avec un guide dans les sommets escarpés de cette île volcanique pour y découvrir un parc avec des tortues mais aussi les restes des premières implantations humaines troglodytes de Floreana. Le paysage est sublime. Si la faune des Galapagos est extraordinaire, la flore ne l'est pas moins surtout à Floreana : berceau de la colonisation de l'archipel. L'après-midi est consacré à l'exploration de la cote rocheuse, à la découverte de la faune marine qui habite ces lieux et au snorkeling. Nage et plongée à Champion island avec les otaries qui jouent, pirouettent et filent comme des torpilles entre les nageurs, on y rencontre au détour d'un tombant un beau requin pointe blanche.

Les environs immédiats de Puerto Ayora offrent également de très jolies promenades comme celle de « Las Grietas », une faille naturelle au delà d'un marais salant où se mêlent les eaux douces descendues des hautes terres aux eaux de mer infiltrées dans les roches. Nous nous y baignons, nous sommes seuls au monde avec les oiseaux qui nous surveillent !

Au cours de nos escapades nous découvrons une nature préservée et des animaux qui n'ont pas peur des hommes. Ils se laissent approcher tout en nous surveillant mais sans frayeur excessive. Il n'est pas rare de devoir écarter ses pas d'un pinson qui est au milieu du sentier. Malgré quelques aspects désagréables, liés à l'administration équatorienne fantasque et au comportement mercantile des tours operators, l'archipel des Galapagos reste un petit coin de paradis sur terre pour ceux qui aiment observer la nature belle et sauvage. Puisse cet équilibre bien fragile perdurer pour les générations à venir... rien n'est moins certain.

Au fur et à mesure de notre escale forcée à Puerto Ayora nous découvrons les équatoriens et la population de l'île de Santa Cruz. Gentillesse extrême, sécurité totale, sourires et accueil garantis. De petits restaurants économiques les « kiosques » ou les « stands » offrent de bons repas locaux pour deux à trois dollars. Le marché municipal qui ouvre tous les matins est complété tous les samedis par un grande foire à laquelle descendent tous les petits producteurs de l'île. Le choix de fruits et légumes est important, les prix tout à fait raisonnable et bien moins cher qu'en Europe ! La ville est agréable et pleine de ressources. Nous y complétons sans difficultés majeures l'avitaillement du bord : légumes et fruits frais, épicerie, boissons mais aussi le gasoil pour le moteur, l'essence pour le hors-bord, l'huile pour les vidanges (moteur & groupe électrogène) et du gaz pour la cuisine. Dominique se lance dans des conserves et des confitures. Ramatoa attaquera la traversée du Pacifique jusqu'aux îles Marquises avec les soutes pleines. Tous ces petits préparatifs nous occupent pendant la dernière semaine de notre séjour aux Galapagos que nous devrions quitter le samedi 2 ou le dimanche 3 mai. Nous espérions bien pouvoir resquiller deux ou trois jours en faisant une escale discrète à Puerto Villamil sur l'île d'Isabella, mais Berny & Cathy qui rentrent de trois jours passés à Isabella nous rapportent que le nouveau capitaine de port est intransigeant et qu'il est vain d'espérer nous y arrêter... dommage ! Cathy regagne Rennes le mercredi 29, nous restons à trois pour les 25-30 jours de la traversée qui nous attend.

Il n'y aura pas de cybercafé au milieu du Pacifique il faudra attendre l'arrivée chez Brel et Gauguin aux îles Marquises aux portes de la Polynésie française pour le prochain article... un peu de patience !

Mais n'oubliez pas d'aller voir toutes les photos que nous avons glissées dans l'album des Galapagos.

 

Benoît & Dominique sur Ramatoa à Puerto Ayora – Galapagos. Posté le 27/04/2009.

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12 avril 2009 7 12 /04 /avril /2009 00:57
Vendredi 10 avril en début de nuit, notre ancre croche au fond d'Academia Bay sur l'île de Santa Cruz dans l'archipel des Galapagos [Equateur], terme d'une lente traversée de près de mille milles depuis Panama city. Reprenons depuis le début.


Jeudi 26 mars, nous quittons Playita de Amador et faisons, non sans difficultés car nous ne prenons que 70 gallons, le plein de gasoil à la Marina Flamenco. La veille, mercredi après-midi je suis allé au bistrot-WiFi pour mettre mon article du canal en ligne sur le blog, Jean-Pierre débarque avec moi et va faire quelques emplettes chez le shipchandler « Abernathy ». Une heure et 1/2 plus tard je vois arriver au cybercafé du Flamenco JP accompagné de Robert d'Arasec et Jean-Louis, JP les a rencontrés fortuitement dans les rayons du shipchandler. Robert avait fait le déplacement en bus depuis Panamarina où il a laissé son bateau pour profiter des 30% de remise le mercredi chez « Abernathy » !! Ils étaient à l'hôtel à Panama pour 48 heures. Pour une surprise, c'était une surprise ! On les a gardé pour le dîner et on a passé une soirée très agréable. Robert nous a raconté ses derniers exploits !

La traversée vers l'archipel des Perlas qui se trouve à une trentaine de milles au sud-est de Panama s'effectue entièrement au moteur, la mer est plate, le vent nul, la pollution omniprésente, la couleur et l'odeur de l'eau sont peu engageantes. Au départ nous slalomons entre la trentaine de cargos et de tankers au mouillage qui attendent de franchir le canal de Panama.

Les Perlas tirent leur nom des conquistadores espagnols Gaspar de Morales et Francisco Pizzaro qui dépossédèrent le roi indigène « Toe » d'une montagne de perles. En 1515 le roi est vaincu et ses plongeurs mis en esclavage. L'archipel s'étend sur une quarantaine de milles et comporte une bonne quinzaine d'îles principales et une multitude d'îlots et de cailloux isolés. Quelques îles sont peuplées de quelques villages et seule l'île de Cantadora est devenu un ghetto de millionnaires panaméens avec des villas et hôtels de grand luxe.

L'archipel est très vaste, les mouillages, pour la plupart isolés, sont très nombreux. De plus le marnage important du Pacifique offre des paysages marins de toute beauté. Les oiseaux sont très nombreux et très variés, le courant entre les îles et îlots peut être fort, la navigation et le pilotage y sont très intéressants surtout que la cartographie n'est pas aussi précise et fiable que celle du golfe du Morbihan !


Notre premier mouillage est sous le vent de l'île de Cantadora, mais dès que le week-end arrive le mouillage est envahi par de grands yachts à moteur dont les occupants nouveaux riches n'ont aucun savoir vivre et aucun respect pour la nature environnante. Nous y faisons quelques emplettes et une agréable balade à pied. Notre deuxième mouillage sera totalement solitaire sous le vent de l'isla Ampon devant isla Casaya, la passe d'accès à marée basse est étroite mais nous sommes les seuls au monde avec les pélicans innombrables.

Le dimanche 29 mars, nous quittons l'archipel en direction de l'île Coco en nous glissant tout d'abord sur une mer d'huile entre Isla la Mina et Isla Viveros puis en laissant sur notre bâbord isla Senora et Isla Pedro Gonzales. Dans ce passage la mer est couverte d'oiseaux, le ciel est noir d'oiseaux, Ramatoa traverse une escadre de plusieurs milliers de Cormorans en vol au ras de l'eau, c'est incroyable. En fait toutes ces îles et îlots sont des refuges pour l'habitat des pélicans, des frégates, des cormorans et des fous bruns. Au nord d'isla Senora, devant nous la mer écume, nous pensons à un banc de thon, mais c'est en réalité des dizaines de raies qui sautent hors de l'eau, on voit les pointes des ailes dirigées vers le ciel et le ventre blanc, c'est la première fois que nous observons cela, c'est très spectaculaire.

La route des Perlas à Coco est longue de 533 milles, elle longe à 80 milles des Perlas la « peninsula de azuero » où nous retrouvons un trafic intense de cargos et tankers qui approchent de la baie de Panama ou au contraire montent vers les USA ou vers l'Asie, naturellement il fait nuit et nous sommes bien content de pouvoir visualiser les traces AIS de ces monstres sur la cartographie du bord. Une fois ce virage passé, nous ne rencontrerons plus un seul navire de commerce. Pendant les cinq journées et quatre nuits de navigation, le vent nous a le plus souvent lâchement abandonné (< 2-3 nœuds) et de plus il vient des quatre coins cardinaux, nous avons fait beaucoup de moteur... seul avantage nous sommes arrivés à Coco avec un parc batterie chargé à 100% ... mais inconvénient logique notre cuve de gasoil est basse (200 litres environ). Le trajet de Coco aux Galapagos peut-être lui aussi sans aucun vent, il faudrait pouvoir compléter partiellement notre plein. Nous avons souvent navigué dans une atmosphère électrique avec de très nombreux orages à l'horizon, des grains sans vent (max 10-12 nœuds) mais avec de bonnes avalasses. Il n'y a pas de doute nous sommes bien dans la zone de convergence tropicale. Nous pêchons un joli thon blanc de 5-6 kg au moment où nous traversions un banc de dauphins.

Jeudi 2 avril, nous découvrons les hauteurs d'isla de Coco entre deux grains de pluie. Nous mouillons dans Chatam Bay sous un déluge d'eau à la tombée de la nuit. Le mouillage est vaste nous y sommes avec deux bateaux de plongeurs. Premier contact agréable avec les Rangers du parc marin, ils reviendront demain matin pour les formalités réduites d'entrée au Costa Rica.

Le Costa Rica, baigné par la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique, est situé entre le Panama et le Nicaragua et passe pour être le pays le plus stable et démocratique d'Amérique Latine, son niveau de vie est le plus élevé d 'Amérique Centrale. A 300 milles au large dans le Pacifique se trouve l'île Coco, destination de rêve et légendaire Île au Trésor. Des centaines d'expéditions ont recherché en vain différents trésors que l'on y dit enterrés. Le véritable trésor de l'île est sa nature vierge, Coco est classée Parc national. La beauté de la végétation et des paysages, les oiseaux et les fonds poissonneux en font un site remarquable. C'est un spot de plongé subaquatique mondialement connu en particulier pour l'observation des grands requins marteaux.

Vendredi matin, le beau temps est revenu. Le Rangers du parc marin accompagné d'une jeune volontaire (étudiante en environnement) nous accueillent à Coco et nous font payer les diverses taxes relatives à notre séjour (125 $ par jour pour quatre personnes et pour le bateau, heureusement il n'y a pas de plongeur car cela augmenterait la note de 10 $ supplémentaire). En fait Dominique négocie en espagnol et obtient, pour le prix de trois journées (375 $ quand même), la possibilité de rester quatre journées et cinq nuits au mouillage dans ce parc marin. Si c'est pas du racket... c'est quand même bien imité et c'est un avant goût de ce qui nous attend aux Galapagos ! L'étudiante et le Rangers sont très aimables, à notre demande il négocie directement avec les capitaines des bateaux de plongeurs la vente de 45 gallons de gasoil pour compléter notre plein. Nous visionnons un DVD du parc qui nous permet de découvrir les requins marteaux que nous ne verrons pas car nous ne sommes pas des plongeurs aguerris.

Notre séjour à Chatam Bay est des plus agréable. Balade à terre, bain rafraîchissant sous une cascade à deux pas de la plage où nous débarquons, promenade en annexe pour découvrir les oiseaux sur les îlots et rochers avoisinants. Nous y découvrons des fous bruns, des frégates, des sternes, des mouettes d'Amérique et tous les petits de l'année dans les nids sur la roche, c'est superbe. Nous découvrons en snorkeling les fonds poissonneux et rocheux de Chatam Bay et de l'îlot Manuelita. Si nous avons vu de multiples petits requins dormeurs endormis sur les plaques de sable entre les rochers, nous n'avons pas vu les fameux requins marteaux qui font la réputation de Coco. Par contre nous avons aussi vu des raies léopards et pastenagues ainsi que des requins pointes blanches. Il n'y avait pas besoin d'aller bien loin, sous le bateau par 12-14 mètres de fond, il y avait toujours une petite centaine de poissons coralliens avec de très belles carangues.

Dans ce décor de Robinson où les cascades d'eau douce tombent dans la mer, nous sommes souvent seul dans le mouillage ou parfois nous le partageons avec un ou deux bateaux de plongeurs qui viennent pour une semaine de plongée depuis la côte du Costa Rica, la clientèle est essentiellement américaine. C'est la seule activité touristique très réglementée et organisée d'isla de Coco. C'est auprès de l'un d'eux que nous achetons 45 gallons de gasoil à 0,56 € le litre !

Lundi 6 avril, quatre voiliers rejoignent le mouillage, nous ne sommes plus les seuls il est temps de partir ! Mardi matin nous quittons Chatam Bay et mettons le cap vers Puerto Ayora sur l'île de Santa Cruz à 430 milles. Premières 24 heures au moteur puis le vent revient doucement du sud-est, c'est l'alizé, même s 'il n'est pas très fort. Nous alternons voile et moteur, glissons sous spi par petit temps et heureusement nous faisons moins de moteur que pour le trajet Perlas – Coco. Nous avons fait près de 150 heures de moteur depuis notre départ de Panama ! Nous pêchons sans beaucoup de succès depuis les Coco... un très beau thon de 8-10 kg... mais le tout le corps a été dévoré par un requin quand je le ramennais à bord, par contre nous avons pris des fous bruns qui plongent sur les leurres ou se prennent dans le fil de traîne... bilan : zéro poisson mais trois fous au tableau de chasse.

Pour son troisième anniversaire (dans trois jours) Ramatoa s'offre pour la troisième fois le passage de la ligne, l'équateur est passé vers le sud, nous avons maintenant la tête en bas et les pieds l'air !

Arrivés aux Galapagos, nous avons hâte de découvrir ce sanctuaire de la vie animale, mais nous craignons aussi les excès et le coté aléatoire des formalités d'arrivée à Puerto Ayora.... on verra bien et vous le saurez au prochain article. Berny & Cathy nous rejoignent le 14 avril alors que Jean-Pierre & Annick qui nous accompagnent depuis la Guadeloupe rentrent à Lorient le 19 avril, un grand merci pour leur amitié et leur fidélité.



Benoît & Dominique sur Ramatoa à Puerto Ayora [Santa Cruz – Galapagos] posté le 11 avril 2009.

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25 mars 2009 3 25 /03 /mars /2009 16:31

 

A ce jour il n'y a que deux voies possibles pour un voilier pour passer de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique : Le grand sud avec le cap Horn ou le détroit de Magellan et le Canal de Panama. Une troisième voie s'ouvrira peut-être un jour dans le grand nord avec la fonte de la calotte glaciaire arctique : le passage du nord-ouest. Nous avons choisi la voie la plus raisonnable et la plus usitée par les oiseaux du large celle du canal de Panama. Mais avant de vous raconter par le détail notre passage vers le Pacifique, voici quelques éléments historiques et techniques sur ce colossal projet vieux de près d'un siècle.


Historique du Canal.

La première traversée terrestre de l'isthme de Panama par la région inhospitalière du Darien est attribuée à Vasco Nùñez de Balboa en 1513, il découvre ainsi la mer du sud appelée ultérieurement Pacifique. La ville de Panama est créée en 1514 sur la côte pacifique. En 1527 s'ouvre la plus importante voie commerciale terrestre et fluviale du continent américain en remontant le Rio Chagres jusqu'à la ville de Cruces distante de trente kilomètres de Panama.

Le souci de relier les deux océans intéresse la Couronne d'Espagne et très rapidement cet intérêt s'étend au cours du XIX° siècle à d'autres pays comme la France, l'Angleterre, les États-Unis et la Colombie (l'isthme fait alors partie de la Colombie). En 1835 la Colombie cède les droits de construction d'un canal interocéanique à plusieurs aventuriers porteurs de projets plus ou moins farfelus. Dès 1850, la communauté internationale s'accorde à garantir la neutralité d'un canal qui se construirait quelque part en Amérique Centrale. En 1855, une première ligne de chemin de fer est ouverte entre Colon et Panama. De concessions entre particuliers, on passe rapidement à des concessions entre états, ainsi en 1878 le Congrès csolombien octroie une concession pour 99 ans afin de construire un canal dans l'isthme de Panama. Cette base légale sert de départ à la construction du canal français.

Avec l'inauguration du Canal de Suez en 1869, la personnalité de son constructeur Ferdinand de Lesseps s'étend au monde entier. Dès 1879 il décide du tracé pour construire le Canal interocéanique. Premier coup de pioche symbolique, le 1° janvier 1880 à l'embouchure du Rio Grande sur la côte Pacifique du Panama. Les travaux réels ne débuteront que deux ans plus tard. En 1884, 17 000 travailleurs originaire des îles Caraïbes s'efforçaient d'ouvrir une gigantesque tranchée. Le projet est tellement ambitieux, la renommée des ingénieurs français (Ferdinand de Lesseps et Gustave Eiffel) tellement grande, que des milliers de français achètent des actions de la « Compagnie Universelle du Canal Interocéanique » afin de financer les travaux. Le succès du Canal de Suez constituait la meilleure des garanties.

Mais la réalité est tout autre. Le climat et les conditions de vie dans la jungle tropicale sont terribles, les éboulements incessants des terrains instables ruinent des semaines et des mois d'efforts, les maladies (malaria et fièvre jaune) déciment la population des travailleurs. Les retards s'accumulent, les budgets dérapent, la Compagnie du Canal est mise en faillite, un scandale éclate ; les petits porteurs accusèrent de corruption les dirigeants du projet. En 1890, il ne reste qu'un millier de travailleurs sur le chantier en déshérence. En 1894, la « Compagnie Nouvelle » tente en vain de poursuivre les travaux. De 1882 à 1903 les français ont déplacé plus de soixante millions de mètres cubes de terre, ont construit des ponts, des lignes de chemin de fer, des ports et des hôpitaux, plus de 6 300 hommes perdirent la vie.

Les États-Unis, très intéressés par l'ouverture de cette voie interocéanique, sous la présidence de Roosevelt reprennent le projet à leur compte et envisagent même de le construire au Nicaragua. Mais l'indépendance du Panama (encouragée par de fortes pressions économiques des États-Unis), qui se sépare de la Colombie en 1903, précipite les choses. Deux semaines seulement après l'indépendance, la convention du Canal de Panama concède aux États-Unis une bande de terre de 10 milles de large d'un océan à l'autre, certains quartiers de la capitale et de Colon, certaines îles de la baie de Panama ainsi que la construction, la gestion et la protection du canal interocéanique.

Contrairement au canal français qui envisageait un canal à niveau unique sans écluse (à l'identique de Suez), le canal américain repose sur deux jeux d'écluses et un lac artificiel ; le lac Gatun alimenté principalement par le Rio Chagres. Les travaux reprennent en 1906 à allure forcée. Des mesures sanitaires sans précédent permettent de contrôler la malaria et de faire disparaitre la fièvre jaune. Coté Atlantique les écluses de « Gatun » (3 chambres) et coté Pacifique les écluse de « Pedro Miguel » (1 chambre) et « Miraflores » (2 chambres) sont construites. Les chenaux d'accès sur les deux océans (Colon coté Atlantique et Balboa coté Pacifique) sont creusés. Les montagnes sont arasées et saignées de tranchées gigantesques (Gaillard cut et Culebra). La défense de la zone du canal est assurée par des bases militaires américaines. Le 15 aout 1914, le vapeur « Ancon » est le premier navire à franchir officiellement le canal interocéanique. Cependant les travaux sont loin d'être terminés et continueront sans interruption jusqu'à aujourd'hui (où un nouveau projet voit le jour).

Le succès commercial est immédiat et fulgurant. Appâté par le gain Panama demande régulièrement à réviser les termes du contrat initial de 1903. En 1935 puis en 1955 la république de Panama obtient de nouvelles compensations économiques des États-Unis. En 1964 la tension entre les deux pays atteint des sommets (affrontements avec de nombreux morts et blessés conduisant à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays). A compter de cette date, l'élaboration longue et difficile d'un nouveau traité débute et aboutit sous la présidence de Jimmy Carter à la signature le 7 septembre 1977 du traité Torrijos-Carter. Entrée en vigueur du traité en 1979, il prévoit en particulier, après une période de transition de 20 ans, le passage définitif à l'état panaméen de la voie océanique et de la zone américaine du canal, échéance arrivée à son terme le 31 décembre 1999. Parallèlement un traité de neutralité du canal interocéanique est signé par la majorité des pays de la communauté internationale. Depuis moins de dix ans le canal est devenu propriété effective de la république de Panama. Le fonctionnement du canal étant sous l'autorité de l'ACP  « Auhority Canal Panama ».


Fonctionnement du canal.

Un isthme étroit, un fleuve à gros débit et un régime de pluie abondant conduisent les ingénieurs à créer un canal à écluses avec un lac artificiel. Le lac artificiel de Gatun du au barrage du Rio Chagres à proximité de son embouchure permet de créer un lac navigable à 26 mètres au dessus du niveau de la mer et constitue la réserve d'eau nécessaire à toutes les opérations d'éclusage. Le lac est relié à l'océan Atlantique par l'échelle d'écluses de Gatun constituée de trois chambres et à l'océan Pacifique par deux écluses Pedro Miguel à chambre unique et par l'écluse de Miraflores à deux niveaux. La cordillère centrale est traversée par une saignée longue de 14 kilomètres, c'est la tranchée de Culebra : la tranchée Gaillard en souvenir de l'ingénieur français qui l'avait conçue.

Le canal est opérationnel 24 heures sur 24, tous les jours de l'année et cela depuis près d'un siècle ! Un grand navire de type « Panamax » ( taille maximale admise dans les écluses du canal) franchit l'isthme de Panama en 12 heures environ. Dans le sens Est-Ouest il est élevé au niveau du lac Gatun par les trois niveaux des écluses de Gatun en moins de deux heures, il parcourt les trente kilomètres du lac selon un chenal sinueux correspondant au tracé du Rio Chagres avant de s'engager dans la tranchée de Culebra, récemment élargie pour que deux Panamax puissent se croiser, mais qui reste le goulet d'étranglement du canal. Après être descendu en un seul niveau de 9,5 mètres par l'écluse de Pedro Miguel le navire traverse le petit lac de Miraflores avant d'entrer dans les écluses du même nom et de rejoindre en deux niveaux successifs celui de l'océan Pacifique.


Les écluses du canal ont été construites avec des technologiques du début du XX° siècle et leur système de fonctionnement est électrique. Elles sont dotées de chambres d'un longueur de 330 mètres et 33,5 mètres de large dans lesquelles les navires montent et descendent en utilisant les eaux du fleuve Chagres ; chaque écluse possède deux jeux de chambres parallèles qui permettent une utilisation double et simultanée. Tout le processus d'éclusage repose sur le principe des vases communiquants pour égaliser le niveau entre deux chambres, le système ne dispose d'aucune pompe. En revanche, il s'appuie sur des locomotives électriques appelées « mules » qui sont utilisées pour remorquer, freiner et maintenir le navire centré au milieu de la chambre (un navire de type Panamax laisse moins de 60 cm d'espace avec les parois de la chambre). Un porte container peut utiliser jusqu'à huit mules pour l'assister dans les opérations d'éclusage.

Le canal de Panama, première voie commerciale interocéanique du monde, requiert un entretien permanent et une modernisation constante de ses installations. Les mules électriques sont neuves et l'élargissement de la tranchée de Culebra vient de se terminer. Le contrôle du trafic s'améliore avec un suivi des navires par suivi satellite. Suite à un référendum du peuple panaméen favorable à l'élargissement du canal, l'ACP continue à devancer la demande du commerce international avec la mise en construction d'un troisième jeu d'écluse au format « post Panamax ». Cet élargissement permettra de passer le trafic de 330 millions de tonnes par an (capacité maximale du canal actuel atteinte en 2009-2012) à 600 millions de tonnes à terme (8 à 12 ans de travaux).


Notre passage à nous sur Ramatoa !

Vous allez être déçu, mais il a été sans histoire, tout s'est passé sans encombre et une vingtaine d'heures plus tard Ramatoa flottait de nouveau sur l'eau bien plus fraîche du Pacifique (22° au lieu des 26° habituel). Mais reprenons le fil des évènements.

Après notre traversée de Guadeloupe à Shelter Bay, nous nous sommes adressés à un agent pour accomplir les formalités habituels de clearance pour entrer au Panama mais surtout pour les formalités préalables pour le passage du canal... et elles sont très nombreuses : Cruising permit - visas d'entrée au Panama - prise de mesures de Ramatoa par un jaugeur officiel de l'ACP - inspection du navire pour les équipements requis par l'ACP ( 4 aussières longues, défenses multiples, mouillage opérationnel et taquets en nombre suffisant) - paiement du droit de passage – achat de multiples timbre fiscaux - dépôt d'une caution à la banque et in fine délivrance du certificat pour le bateau... et j'en oublie surement. Certains skippers courageux ou téméraires le font eux-mêmes... j'ai préféré m'adresser à Stanley un agent connu sur la place et habitué à travailler avec les plaisanciers. De plus c'est lui qui se charge de me livrer une dizaine de pneus emballés de sacs poubelle ainsi que les aussières réglementaires requises par l'ACP. Le bateau équipé, les formalités finies, la date de passage est fixée (en ce moment il y a peu d'attente 4 à 5 jours en moyenne). Les petits voiliers passe à cheval sur deux jours.


Le rendez vous avec le pilote est fixé le vendredi 20 mars à 17 heures sur les « Flats », une zone de mouillage réservée aux petits bateaux, en bordure du chenal d'accès à l'écluse de Gatun devant les darses du port de Colon... on est à l'écoute de la VHF... on fait des ronds dans l'eau... jusqu'à 19:30 en regardant le balai des pilotines de l'ACP embarquant et débarquant à la volée les pilotes sur les petits cargos et les gros Panamax.


Francisco, notre pilote de l'ACP nous explique le déroulement de la soirée jusqu'au lac Gatun où nous passerons la nuit, il vérifie l'équipement du bateau et vers 20 heures nous nous dirigeons vers l'entrée de la première écluse. Nous nous mettons à couple d'un bateau Hollandais de la même taille que nous, et nous nous remettrons dans cette configuration à chaque écluse. Le radeau de deux bateaux ainsi formé pénètre dans la première écluse derrière un cargo et un motor yacht, les portes gigantesques se referment juste derrière nous.

Tout va alors très vite... les toulines sont lancées à bord par les handliners de l'ACP (nous les surnommons les « Playmobil » tant la ressemblance est grande avec leur petit casque de couleur !) sur le quai dix mètres plus haut, les aussières sont tirées et mises sur des bollards, les quatre amarres sont raidies (deux par bateau) le radeau est immobilisé au centre de la chambre. Les remous débutent aussitôt, un véritable jacuzzi, en moins de dix minutes 100 000 mètres cubes d'eau douce du lac Gatun envahissent la chambre et élèvent les bateaux de 8-9 mètres. Le mélange des eaux douces et salées augmentent les remous qui sont considérables. Les niveaux s'équilibrent, les portes s'ouvrent, les aussières ramenées à bord, le radeau avance dans la deuxième chambre et tout recommence... mais nous sommes déjà des vieux habitués ! ! ... mais de nuit cela reste très impressionnant.

Vers 22H30, nous entrons sur le lac Gatun à 26 mètres d'altitude, le pilote nous conduit sur une bouée de mouillage et nous quitte pour la nuit. Grand calme sur le lac, le ballet des cargos continue au loin à l'entrée de l'écluse Gatun. Le champagne est ouvert et nous fêtons dignement ce mouillage de Ramatoa en montagne !

Joseph & Jean-Pierre ont manœuvré avec maestria les lourdes, volumineuses et rugueuses aussières de Stanley. Le passage n'est pas difficile, le pilote à bord et le personnel de l'ACP sur le quai sont très professionnels, il suffit pour le skipper de barrer et de mettre les gaz selon les consignes précises du pilote leader (un seul pour les deux bateaux du radeau). Cependant il faut être attentif et réactif dans la reprise des aussières car les remous ont vite fait de projeter les voiliers contre les parois de l'écluse. Dans la première chambre le motor yacht d'une bonne trentaine de mètres devant nous s'est mis en travers par l'inattention d'un de ses équipiers qui n'a pas su reprendre à temps le mou de l'aussière tribord arrière.

Samedi matin 6H00, réveil en fanfare par les singes hurleurs sur la côte toute proche. Beau lever de soleil, petit déjeuner et nous sommes prêt à accueillir notre deuxième pilote dès sept heures... mais il arrive avec un bon ¾ d'heure de retard. Edgar est très sympathique, il nous conduit par un chenal secondaire réservé aux petites embarcations à travers le lac artificiel, le balisage est absolument parfait, et des troncs d'arbre pétrifiés depuis près d'un siècle jalonne les bords du chenal. Une petite dizaine de milles plus loin, notre raccourci retrouve le chenal principal. Nous croisons des monstres de près de 300 mètres de long qui avancent à vitesse réduite selon des alignements très précis. Nous restons prudemment sur le bord droit et passons à toucher les bouées. Un peu partout des travaux pharaoniens sont visibles pour élargir ou draguer le chenal ou pour raboter une île ou une colline dans les virages du chenal assez sinueux pour des Panamax.

Nous entrons dans la tranchée de Culebra longue de 14 km où deux Panamax peuvent se croiser de justesse, des remorqueurs sont affectés à chaque bateau en cas de besoin. À la sortie de la tranchée Gaillard, nous admirons un bel ouvrage à haubans, le tout nouveau Pont du Centenaire. Ce pont et le pont des Amériques en arrivant à Balboa constituent les deux seuls ouvrages qui franchissent le canal et relient les deux continents américains.

Edgar nous avait montré le tableau de marche de la journée, nous devions entrer dans l'écluse de Pedro Miguel à 12H21. Ce n'est qu'avec quelques minutes de retard que nous entrons dans la chambre à couple de notre Bavaria hollandais. Cette fois-ci, pas de cargo mais un bateau de voyageur, un motor yacht, un gros catamaran et notre petit radeau ferme la marche. Les petits « bonshommes Playmobil » sur le quai nous lancent les toulines et le scénario se répète. Mais à la descente il n'y a pas de remous et il est plus facile de donner du mou sur les aussières que de tirer dessus.

5 à 10 minutes suffisent pour traverser le petit lac Miraflores et rentrer dans la dernière écluse à deux chambres. L'écluse Miraflores est équipée d'une webcam qui filme en continu le passage des navires, nous téléphonons aux enfants qui essaient d'enregistrer la séquence. Sur les bateaux dans l'écluse, tout le monde gesticule, l'ambiance est bonne enfant. La dernière porte s'ouvre avec des remous dus au mélange forcé des eaux salines et douces... mais derrière c'est l'eau du Pacifique ! Sortie de l'écluse, séparation avec notre Hollandais et aussitôt nous découvrons au loin le pont des Amériques sur fond des docks de Balboa. Nous sacrifions à la tradition de multiples photos !

Nous essayons en vain de prendre un mouillage sur une bouée au Yacht Club de Balboa et rejoignons le mouillage encombré de la Playita de Amador. Panama City avec ses buildings dessine une vaste baie que nous voyons au loin. Accablés de chaleur et saoulés par le vent qui souffle bien frais, nous profitons de cet arrêt mais regrettons de ne pas pouvoir se baigner dans cette eau polluée et fraîche, nous avons perdu plus de 4 degrés en changeant de coté !

Nous gardons tous les six un souvenir émouvant de ce transit très fort en émotions et en symboles. Un grand merci à Joseph & Isabelle qui nous ont accompagné jusqu'à Panama city. Nos routes se suivaient depuis près de trois ans, mais elles vont désormais se séparer, ils rejoignent OpSIS à Shelter Bay sur la côte atlantique et se dirigeront vers les San Blas puis vers le Guatemala. Bon vent à vous deux sur OpSIS ! Nous nous retrouverons à Renens ou à La Rochelle !

Annick & Jean-Pierre se plaisent toujours bien sur Ramatoa et restent à bord jusqu'aux Galapagos.


De notre coté, notre escale sera courte, deux ou trois bricolos à régler, le plein de gasoil et nous mettrons les voiles vers les îles Perlas à une trentaine de milles d'ici puis vers l'île Coco et l'archipel des Galapagos... mais c'est une autre histoire.


Vous trouverez d'autres photos du passage du canal dans l'album « Panama ».


Benoît & Dominique sur Ramatoa à Panama City, posté le 24 mars 2009.





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16 mars 2009 1 16 /03 /mars /2009 11:01

Dimanche 1° mars matin le menuisier vient mettre une dernière couche de vernis sur la façade de la cuisine après reconstruction de l'isolation du frigo. Il met donc un point final à tous nos travaux à la marina du Bas du Fort à Pointe à Pitre. Nous sommes donc prêt à appareiller pour traverser la mer des Caraïbes vers Panama ou plus exactement la ville de Colon (également nommée Cristobal), poumon économique et commercial de la République du Panama.

Dimanche soir nous mouillons pour une dernière fois à l'îlet Gosier et nous levons l'ancre le lundi 2 mars dans la matinée pour parcourir les 1200 milles nautiques qui nous sépare de Panama. La météo est bonne pour les deux ou trois premiers jours avec des vents faibles à modérés qui devraient se renforcer sur la deuxième moitié du parcours. Nous quittons la Guadeloupe par le canal des Saintes.


Les deux premiers jours de la traversée sont paisibles avec des vents très modérés et une mer belle, nous ferons même quelques heures de moteur la deuxième nuit. Nous parcourons 133 milles nautiques le premier jour et seulement 119 le second. Nous passons à proximité de l'Isla Aves, petit cailloux bétonné occupé par les militaires Vénézueliens. Nous avançons tranquillement voiles en ciseaux, génois tangonné.


Isabelle & Joseph sur OpSIS font route également convergente vers Panama en partant de l'île de Ste Croix aux Îles Vierges Américaines. Tous les matins la vacation BLU permet de discuter avec OpSIS mais aussi les bateaux copains laissés sur l'arc des Caraïbes. A la vacation du jeudi matin, OpSIS, positionné quelques 90 milles plus au nord que nous, rencontre des conditions difficiles avec des vents assez forts mais surtout une très grosse houle qui grossit d'heures en heures. La météo annonce effectivement pour les jours à venir un renforcement de vents à 25-30 nœuds et l'arrivée d'une houle de 4 à 5 mètres par le nord. Pour nous c'est encore un temps très agréable mais un ciel voilé.


Le jeudi 5 mars en fin d'après-midi le vent se renforce, nous réduisons progressivement la toile et dans la nuit nous nous retrouvons avec trois ris dans la grand-voile et 3 ris dans le génois tangonné. Le vent souffle de l'est nord-est à 25-30 nœuds avec des rafales à 35-40 nœuds, la mer est grosse avec des creux de 4 mètres dans une houle de nord-est. Ramatoa prend la mer sur l'arrière tribord, le pilote travaille beaucoup mais tout se passe très bien.


Vendredi matin, la météo de Curacao nous annonce un avis de coup de vent pour la zone où nous nous dirigeons. Par la BLU Pierre & Béatrice qui sont à Saint Francois en Guadeloupe nous confirme l'arrivée du gros temps qui devrait nous accompagner jusqu'à l'arrivée.

La vie à bord est fatigante car le bateau se prend pour un shaker. Mais l'équipage surmonte très bien ces premières 24 heures de mauvais temps et se prépare à durer car cela n'est pas fini, il y a encore quatre jours de route.


Dans la nuit du vendredi au samedi, la mer grossit encore, les creux sont proches de 5 mètres, le spectacle est grandiose et inquiétant sous la lune pleine. Le grondement des déferlantes est incessant. Hercules, le pilote fait des merveilles, il barre depuis le départ avec voiles en ciseaux plein vent arrière, dans des conditions ou un barreur serait épuisé en moins de deux heures. La fréquence de la houle est de 8 secondes environ, si une vague déferlante nous entraine au lof, le pilote a juste le temps dans le creux de redresser Ramatoa de façon à ce qu'il présente correctement son arrière à la vague suivante.

Samedi matin, le spectacle est impressionnant, l'océan est strié d'écume, les déferlantes d'eau translucide dans le soleil. Ramatoa marche très fort à 8-9 noeuds de moyenne, il part régulièrement en surf à plus de 12-13 nœuds sur un tapis de mousse écumante.


Alors que je manœuvre avec Dominique sur la plage avant, une déferlante inonde la jupe arrière. J'entends un sifflement sur notre arrière et je découvre avec stupéfaction notre radeau de survie en train de se gonfler à quelques mètres de Ramatoa. Retour dans le cockpit, mais il est impossible de faire quoique ce soit, remorqué à plus de 9 nœuds le bout du radeau casse et, disparaît à l'horizon avec son feu clignotant sur l'arceau de la tente. En réalité l'eau de la vague a soulevé violemment le container du radeau, ce qui a arraché le couvercle du coffre et a extrait le radeau de son logement.

Aussitôt nous contactons sur le canal 16 le cargo que nous croisons pour qu'il ne s'inquiète pas s'il voit notre radeau vide à la dérive. Ensuite par mail nous prévenons le CROSS Antilles-Guyane de la perte de notre survie, ils feront le nécessaire pour alerter les MRCC du Vénézuela, de Colombie et de Curaçao.

A la vacation BLU du matin, je raconte notre avarie et nous décidons avec OpSIS de nous contacter toutes les deux heures, ils sont à quelques 45 milles en avance sur nous, hors de portée de VHF. OpSIS et Ramatoa font le dos rond et laissent passer le plus fort du mauvais temps.


La nuit du samedi au dimanche et la journée du dimanche voient passer le plus fort du coup de vent. Le vent de nord-est est installé à 35 nœuds, les rafales atteignent plus de 45 nœuds, la mer très creuse atteint plus de 5 mètres.


Pour Ramatoa c'est un baptême du feu, pour son équipage aussi car même si nous avions déjà rencontré des vents et des mers fortes, cela n'avait duré que quelques heures alors que cette fois le mauvais temps est installé pour plus de quatre jours. Contrepartie des ces conditions difficiles, nos moyennes sont excellentes : 174, 181 et 160 milles nautiques par 24 heures. Régulièrement nous grignotons un peu de l'avance d'OpSIS qui volontairement reste sous grand-voile seule pour nous attendre.


La fatigue se fait sentir à bord car il est difficile de se reposer et de dormir, le bruit est incessant et le bateau secoué violemment quand il part au lof sous l'effet d'une vague plus vicieuse. Nous mangeons chaud à tous les repas, Annick et Dominique se relaient aux fourneaux. Personne ne souffre du mal de mer.

Pour ma part, je n'ai pas eu réellement peur car j'ai constaté très vite l'excellent comportement du bateau dans cette mer très forte, à aucun moment je ne me suis senti en danger. Mais par contre j'ai ressenti un fort stress et une inquiétude permanente. Stress d'une avarie majeure (panne pilote, voile déchirée, bris de tangon etc...) car dans de telles conditions de mer la situation peut devenir rapidement critique. Je garderai longtemps les images de ces vagues gigantesques qui soulevaient l'arrière de Ramatoa et les longues glissades à plus de 13 nœuds dans l'écume de la pente descendante de la vague où Ramatoa est parfaitement stable comme sur des rails avec un pilote qui ne travaille pratiquement pas, mais ce fragile équilibre est régulièrement rompu à intervalle régulier par une vague qui déclenche un départ au lof vite corrigé par Hercules et par le bout de génois (une douzaine de m² au maximum tangonnée en ciseau). Pour les quarts de nuit, je passe pas mal de temps à la table à carte (harnaché prêt à sortir dehors si nécessaire) à lire un roman avec l'AIS en fonctionnement et un tour d'horizon tous les quart d'heure. Jean-Pierre, Annick & Dominique par contre préfèrent passer leurs quarts dans le cockpit.

Dans la nuit de dimanche à lundi et toute la journée de lundi les conditions vont progressivement s'améliorer, le vent faiblit à 25-30 nœuds puis à 20-25 nœuds mais la houle reste forte (4 mètres) même si la mer est moins chaotique. Le génois est un peu déroulé pour conserver une bonne vitesse.

Le trafic s'intensifie, nous croisons et nous faisons dépasser par un grand nombre de cargos, de tankers et de gigantesques portes containers. Le récepteur AIS est alors bien utile pour lever le doute de la route de ces mastodontes qui déboulent pour certain à 18 ou 20 nœuds. A moins de dix milles nautiques d 'OpSIS nous avons enfin le contact en VHF.

Finalement la nuit de lundi sera notre dernière nuit en mer car au petit jour nous longeons la côte du Panama et approchons de Colon, l'entrée, coté Atlantique, du canal de Panama. Le trafic est incessant, plus de 20 navires au mouillage devant les deux immenses digues abri qui ferme la rade devant le port de Colon. L'AIS associé à la carto MaxSea permet de suivre plus d'une quarantaine de cibles sur la zone !

A 8h35 le mardi matin, nous nous glissons derrière la digue de la rade de Colon dans le sillage du gigantesque porte-container « Blue Whale »  de la compagnie CMA-CGM qui se dirige vers le terminal container de Cristobal (Cristobal & Colon : c'est la même ville !), nous retrouvons OpSIS qui nous a précédé d'une petite heure et nous dirigeons vers la marina de Shelter Bay. Nous sommes éprouvés, fatigués et heureux d'en avoir terminé de cette étape qui se révèle toujours être une étape difficile en hiver pour longer les côtes Colombiennes et rejoindre l'isthme de Panama. Nous avons parcouru 1181 milles nautiques en un peu moins de huit jours de traversée.

Nous apprécions le confort de cette marina fréquentée par des voiliers qui vont transiter par le canal ou qui en sortent s'ils viennent de la côte Pacifique. Après une bonne sieste, une bonne douche et un bon bain dans la piscine, nous voilà prêt à attaquer la liste de petits bricolos pour préparer le passage du canal : Contacter l'agent pour les formalités du canal et d'entrée dans le pays – Trouver un fournisseur pour faire l'acquisition d'un radeau de survie neuf (une très grosse dépense imprévue en perspective,dur dur pour notre budget !) - Sortir Ramatoa de l'eau pour lui donner un coup de propreté et une couche supplémentaire d'antifouling – Déclaration de sinistre aux assurances – Contact avec Alubat pour la réalisation d'un nouveau capot de coffre pour le radeau.. etc... etc...il y en a une page ½ sur le cahier !

Bref c'est la vie d'escale : donner de nos nouvelles, téléphoner aux enfants et aux parents, les lessives, les approvisionnements etc... Le mercredi après-midi, nous allons à Colon pour des courses au supermarché et pour acheter la survie, à cette occasion nous découvrons les écluses de Gatun car le bus de la marina qui nous emmène est bloqué à l'écluse le temps que le porte-container en sorte... bientôt cela sera notre tour. Dans le même créneau, Jean-Pierre était resté à bord pour accueillir le jaugeur de l 'ACP (Panama Canal Authority) fort désagréable mais qui nous délivre tout de même le précieux sésame le « Ship Identification Number »... sans lui pas de transit possible. Mais ne dévoilons pas la suite, nous devrions passer le canal en milieu de semaine prochaine soit une dizaine de jours après notre arrivée.

Avant de clore cet article, je tiens à souligner la solidarité et le soutien que nous ont apportés nos amis et les bateaux copains tout au cours de cette traversée. Tout d'abord Joseph & Isabelle d'OpSIS que nous avons un peu emmenés dans cette galère, toutes les deux heures échanger nos positions respectives et quelques « Josepheries » contribuaient au bon équilibre et à la bonne humeur sur nos deux bateaux. Enfin Claude & Sylvie de « Sandy II » en Martinique, Pierre & Béatrice de « Météore » en Guadeloupe ont toujours été présents lors de nos vacations BLU quotidiennes, ils nous ont soutenus et aidés, un très grand merci à eux quatre.


Dominique & Benoît, Annick & Jean-Pierre sur Ramatoa à Shelter Bay Marina le dimanche 15 mars 2009.

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 15:09
Revenus le 11 janvier 2009 par le vol de Nantes à Pointe à Pitre, nous retrouvons Ramatoa avec plaisir et sommes d'attaque pour effectuer les quelques travaux importants que nous avons à faire ou à faire faire avant notre départ vers Panama prévu pour la fin février – début mars.


Pour les travaux qui me concernent, pas de problème il suffit de prendre son courage à deux mains et de commencer par un bout de la « To do list »... et de rayer les tâches au fur et à mesure !


Pour ce qui est des travaux à faire faire... les choses se compliquent car dès le 20 janvier la Guadeloupe sombre dans le chaos et la désorganisation totale d'une grève générale... plus d'essence pour circuler, plus de voiture de location, des magasins fermés et des rayons vides, et impossible de faire effectuer par les artisans nos petits et grands travaux... bref de bonnes galères en perspective.


Au programme : - Prendre livraison du lave linge qui nous attend et attendre... longtemps... très longtemps le soudeur qui doit confectionner le support en aluminium dans le local technique, ça y est le lave linge est à poste mais pas encore opérationnel. - Échange de la cloche moteur du moteur Volvo Penta car trois des six boulons de la flasque d'inverseur tournent fou ce qui veut dire que les filetages de la cloche sont morts... comme je ne tiens pas à renouveler nos déboires de Salvador de Bahia, je préfère changer la pièce avant qu'elle ne casse. Mais l'agent local Volvo est en grève et il faut faire venir la pièce de France ou de Belgique. Heureusement Jean-Pierre & Annick qui nous rejoignent le 27 janvier lestent leurs bagages d'une cloche moteur et de la boulonnerie qui va bien. Avec Jean-Pierre nous avançons bien le travail en désaccouplant la ligne d'arbre et en extrayant l'inverseur de la cale moteur, trois heures plus tard et des litres de sueur en moins l'inverseur est sorti de la cale moteur! Le surlendemain un mécano vient échanger la cloche et remonter inverseur et ligne d'arbre. Le moteur est à nouveau opérationnel mais il faudra nettoyer l'échangeur de température et échanger les joints car nous avons décelé un début de fuite et de colmatage.


Le catamaran Privilège 495 « d'Antilles-Sail.com », en convoyage transatlantique, nous amène nos cartons de livres et de pièces détachées, il est annoncé pour le lundi 2 février. Il contient également tout le matériel nécessaire pour brancher le lave linge et remettre en état le frigo de Ramatoa dans le cadre de la garantie Alubat... on verra la suite des travaux après le 15 février en espérant que la situation sera devenue normale. Fatigués de la grève et du climat détestable qui règne à Pointe à Pitre, nous décidons de quitter la marina et de partir vers Antigua au plus vite... nous ferons des approvisionnements plus complets à Antigua.

Samedi 31 janvier nous sommes au mouillage de l'îlet Gosier et apprécions d'avoir pu nous échapper de la marina. Dimanche : journée de lessives et de repos, dimanche en fin d'après-midi nous remontons la rade de Pointe à Pitre et mouillons devant le pont de la Gabarre qui barre l'entrée de la rivière salée. Elle coupe la Guadeloupe en deux et constitue pour les bateaux à tirant d'eau réduit un raccourci de près de plus de 50 milles. L'accès est commandé par deux ponts « la Gabarre » et « l'Alliance » qui ouvrent à heures fixes le matin à 5 H et 5H30. Le parcours, parfaitement balisé et lumineux, s'effectue de nuit au milieu de la mangrove, c'est assez amusant. Mouillage à nouveau après avoir franchi le deuxième pont pour attendre le lever du jour, dans la mangrove et avec des milliers de moustiques. Finalement on débouche au nord de la Guadeloupe dans le « grand cul-de-sac marin » à l'opposé de Pointe à Pitre. Cette vaste zone est encombrée de corail et de hauts fonds, mais le balisage est de qualité. A 7H45 nous retrouvons les eaux libres et faisons route sous voiles au petit largue dans un alizé frais vers English Harbour sur l'île d'Antigua que nous atteignons lundi 2 février en début d'après-midi après une traversée du canal d'Antigua à 7 nœuds de moyenne.

Antigua, découverte en 1493 par Christophe Colomb comme beaucoup de terres des Caraïbes, est vite abandonnée par les Espagnols, devient anglaise en 1662 et le reste jusqu'en 1967 où elle obtient le statut d'état associé avant l'indépendance de 1981. Cette présence constante des Anglais, pendant plus de trois siècles, a fait d'Antigua une île très britannique.

Grâce à ses abris naturels, dont le plus réputé est English Harbour, Antigua devint le bastion de l'escadre anglaise des « Îles sous le vent ». De ce repaire fortifié les navires de l'amiral Rodney, puis dès 1784 d'Horatio Nelson, pouvaient contrôler toute la zone maritime des West Indies. English Harbour, le repaire de Nelson est sans aucun doute le lieu le plus visité d'Antigua. Le port et les installations de l'arsenal construits entre 1725 et 1746 furent abandonnés en 1889 par l'amirauté britannique. La restauration débute dans les années 1950. Aujourd'hui les principaux bâtiments et édifices sont restaurés. Les plus belles unités de grande plaisance des Caraïbes relâchent à English Harbour ou à Falmouth Harbour, la baie voisine. La « semaine d'Antigua » : une régate annuelle regroupe les plus beaux et plus grands yachts américains et européens, les baies de Falmouth et d'English Harbour sont alors remplies de ces plus belles unités à voiles.

Les grandes unités à voiles ou à moteurs sont au quai du Nelson's dockyard, mais les petits bateaux sont au mouillage. Nous sommes au fond du repaire à Ordinance bay, mais il y a bien peu de place et je pense que si le temps se dégrade nous serons en difficulté, même dans ce trou à cyclone. Le mardi 3 février après-midi, nous basculons dans la baie voisine de Falmouth Harbour bien plus vaste et au fond de laquelle deux marinas regorgent de mega yachts. Nous y resterons trois nuits. Petits bricolos divers, pleins de vivres, de gaz et balades à terre sont au programme. Le temps est chaud, bien ventilé et agrémenté de petits passages pluvieux.

Excursion à Saint John, la capitale d'Antigua, visite du quartier historique de Redcliffe quay et de la cathédrale. Au quai des paquebots, les places sont chères : quatre bateaux de croisière déversent un flot ininterrompu de touristes à majorité britanniques ou américains. Nous terminons la journée par un approvisionnement digne de ce nom dans une grande surface de Saint John et retournons à Falmouth en taxi.

Vendredi 6 février nous quittons Falmouth Harbour pour rejoindre le North Sound, ses îles et îlots sur la côte nord d'Antigua. 25 milles d'une navigation côtière précise où il faut se glisser entre les bancs de corail et la terre ferme dans des eaux dont la profondeur n'excède jamais plus de 5 à 7 mètres. Le paysage que nous découvrons ressemble fortement à celui du Virgin Sound au nord de Virgin Gorda dans les British Virgin Island où nous avions croisé l'an dernier.

Premier mouillage à Jumby bay sur Long Island devant une grande plage sublime occupé par un complexe hôtelier de grand luxe mais vide car en travaux d'extension. Nous sommes deux bateaux français au mouillage. Long Island est une île privée où se nichent dans la végétation des villas gigantesques et fleuries pour richissimes clients ou propriétaires. Samedi 7 février nous levons l'ancre et nous nous glissons doucement vers l'est dans un dédale de corail, non balisé... il faut ouvrir l'œil la dérive relevée et le safran déverrouillé. Quatre milles plus loin nous mouillons dans une mare d'eau turquoise au pied de Great Bird Island et de ses petits îlots enchâssés dans le corail. Seul au mouillage à notre arrivée, nous sommes rejoints dans l'après-midi par deux autres voiliers... mais il y a de la place dans ce petit paradis séparé de l'océan qui gronde par le récif de corail. Jean Pierre ramasse des Lambis et les ouvre à coups de marteau non sans difficultés sur la plage arrière de Ramatoa... la prochaine fois nous les ouvrirons à la disqueuse ! Mais le résultat est là et le soir nous dégustons une succulente fricassée de Lambis.

Lundi 9 février, nous quittons le lagon au nord d'Antigua et ses mouillages sauvages pour rejoindre l'île de Barbuda à environ trente milles au nord d'Antigua. Sa découverte est naturellement attribuée à Christophe Colomb. Propriété de la couronne d'Angleterre depuis le XVII° siècle, celle-ci loua l'île à la famille Codrington qui y fit de l'élevage, mais principalement y parqua des esclaves pour les revendre dans les autres îles. Barbuda est aujourd'hui rattaché à Antigua, état indépendant. Bien moins développé qu'Antigua, Barbuda vit de la pêche, de l'agriculture et de l'exploitation du sable et des marais salants. Les Barbudiens semblent vouloir préserver leur mode de vie modeste, qui s'appuie sur les ressources naturelles de l'île.

Île basse, on ne la découvre qu'à 5 ou 6 milles de distance, elle est ceinturée à l'est par une barrière de corail infranchissable, à l'ouest d'immense plages de sable vierge forment un cordon lagunaire devant le bourg de Codrington. Nous approchons prudemment de Cocoa Point et mouillons devant une plage battue par le ressac, le lieu est calme mais le vent souffle toujours fort rendant les débarquements en annexe humides ! De vastes et luxueux hôtels pour VIP et artistes du showbiz se nichent dans la verdure en arrière de la plage, nous n'y sommes pas les bienvenus. Nous passons trois jours à Barbuda aux mouillages de Cocoa Point et Low Bay mais l'alizé souffle fort (25 à 30 nœuds) nous privent d'excursions à terre. Codrington, l'unique village de 1500 habitants, est un vaste bourg à l'habitat dispersé et aux ressources très limitées.

Vendredi 13 février, nous quittons Barbuda pour rejoindre Falmouth Harbour à Antigua pour remplir notre cambuse un peu vide. Cette traversée rapide nous fait découvrir la superbe côte au vent d'Antigua, nous passons au large de notre mouillage de Great Bird Island et de celui de Green Island à l'entrée de Nonsuch Bay. Le 14 février, temps gris et très pluvieux : approvisionnements divers (boissons, nourriture, gaz, essence et gasoil), les nouvelles en provenance de Guadeloupe ne sont pas bonnes, la grève générale continue et la violence s'installe. Nous retrouvons OpSIS dans la baie voisine d'English Harbour, sur le conseil de Joseph, nous achetons des jerricans supplémentaires que nous remplissons d'essence ce qui nous permettra de louer un véhicule et de circuler à Pointe à Pitre, car il nous faudra bien faire le plein du bateau pour le départ vers Panama.

Dimanche 15 février, nous faisons route au moteur contre le vent dans le beau temps retrouvé vers Nonsuch Bay, la route est courte (8 milles) mais le shaker fonctionne bien dans cette mer désordonnée. Nous nous glissons derrière la barrière de corail à Green island, le mouillage est superbe et de magnifiques unités y sont à l'ancre. Apéritif dînatoire et soirée à bord d'OpSIS, nous mettons au point notre future traversée vers Panama, OpSIS à partir de Saint Martin et Ramatoa depuis la Guadeloupe. Si le plan fonctionne comme prévu, Isabelle et Joseph seront à notre bord pour le transit du canal de Panama.... mais nous n'y sommes pas encore il nous faut repasser par la case Pointe à Pitre pour terminer travaux et approvisionnements et récupérer nos cartons.

Mercredi 18 février nous quittons Antigua pour rejoindre la rivière salée de Guadeloupe que nous devrions franchir le lendemain à 4H30 à l'ouverture du pont de l'Alliance. Belle navigation et grand beau temps, mais le lendemain matin le pont ne s'ouvrira pas pour cause de grève générale. Nous sommes à 3 milles de la marina mais il y a deux ponts à franchir qui sont fermés, la seule solution qui nous reste : faire le grand tour, c'est à dire un détour de plus de 70 milles nautiques dans un alizé qui forcit à 30 nœuds ! Finalement ce n'est que le vendredi 20 après-midi que nous accostons au ponton visiteur quasiment désert.

Le climat social à Pointe à Pitre est difficile, même si les violences semblent avoir cessées. Nous récupérons nos cartons, branchons le lave-linge (les lessives se suivent à un rythme soutenu !), faisons quelques bricolos en attente et attendons le passage hypothétique de nos artisans (mécanicien, menuisier et soudeur). Nous nous attaquons également à la rude tâche des approvisionnements car les magasins sont souvent fermés et les rayons vides... les tickets de rationnement ... c'est pour bientôt !

Bref, séjour à Pointe à Pitre détestable que nous souhaitons le plus court possible afin de reprendre la mer à destination de Panama. Nous devrions quitter la Guadeloupe et sa grève générale avec soulagement entre le 28 février et le 2 mars pour arriver à Colon [Panama] une grande semaine plus tard.


Benoît & Dominique sur Ramatoa, posté le 25 février à Pointe à Pitre.




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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 13:34

Aujourd'hui, jeudi 11 décembre, nous avons quitté les îles Testigos ce matin et profitons d'une fenêtre météo favorable pour remonter vers Pointe à Pitre en Guadeloupe. Le vent d'est est faible (<10 nœuds), la mer peu agitée nous marchons au prés serré appuyé par le moteur, nous avons 280 milles à parcourir. La boucle est bouclée, nous quittons le Vénézuela. Mais retour en arrière pour vous parler de notre escapade nautique aux îles Roques.

Samedi 22 novembre, nous quittons sans regret Puerto La Cruz qui vit dans l'effervescence du week-end électoral qui débute. Nous naviguons toujours avec OpSIS de Joseph & Isabelle, avec qui nous avons fait notre excursion de dix jours au SaltoAngel et en Gran Sabana, et Sandy II de Claude & Sylvie qui de leur coté sont allés à Merida dans les Andes puis dans les Llanos. Nous mettons le cap sur l'île de Tortuga distante de 60 milles. Cette île est la destination favorite du week-end des habitants de Caracas et de Puerto La Cruz, les mouillages sont bondés de yachts à moteur autour des quels vrombissent des scooters des mers et des annexes surpuissantes... en clair nous craignons le pire. A notre arrivée en milieu d'après-midi, surprise la Playa Caldera est calme, nous ne sommes que quatre ou cinq voiliers de grande croisière... c'est le week-end électoral, les vénézueliens sont aux urnes ! Le lendemain nous changeons de mouillage et allons sous voiles quelques milles plus loin à Cayo Heradura, les eaux sont limpides le site est sublime... jusqu'au petit matin où nous sommes littéralement attaqués par des nuées de petits moustiques très voraces, c'est insupportable, les impacts se comptent par centaines.

Lundi 24 novembre nous quittons Tortuga à la tombée de la nuit pour parcourir les 90 milles qui nous séparent des Roques où il faut emboucher la passe corallienne de Boca de Sebastopol avec le soleil suffisamment haut pour bien éclairer les hauts fonds. La nuit est agitée comme la mer et le vent instable oscille entre 15-20 nœuds et 30 sous les violents grains de pluie. À 7H15, le lendemain matin le ciel est gris et bas, nous sommes dans les passes quand un violent grain de pluie nous tombe dessus, nous mouillons à l'abri du récif sous un déluge d'eau, en fin de matinée le ciel s'éclaircit un peu et nous avançons dans le lagon pour prendre un mouillage plus agréable à l'abri de l'île Bucchiyaco. Nettoyage, séchage et un bon sommeil réparateur après ce premier contact humide avec les Roques.

Les Îles Roques sont un vaste archipel d'îles et d'îlots bas recouverts de mangrove et partiellement ceinturé d'un atoll corallien. Seule l'île de Gran roque est montagneuse, c'est la seule île habitée. Le paysage est sublime, les eaux claires vont du turquoise au bleu profond, mais peu de faune visible à la notable exception des hordes de moustiques qui nous attaquent matin et soir au lever et au coucher du soleil !

L'avantage de ces îles par rapport aux Antilles... c'est l'absence quasi totale de voiliers de Charter et de location... les mouillages, en semaine, sont souvent déserts. De plus cet archipel, classé parc naturel, en partie non hydrographié (et le positionnement GPS des îles de l'archipel est entaché d'une erreur d'1/2 mille environ !) mesure 25 milles de large sur 15 de haut... il y a de place pour les quelques bateaux présents en majorité des voiliers européens !

Mercredi matin, le beau temps est revenu et nous remontons le lagon sur une quinzaine de milles pour aller mouiller à proximité de Gran Roque à Isla Francisquis. La navigation à vue se fait au moteur entre le récif ceinture de l'extérieur et les bancs et cayes très visibles dans le lagon. On apprend très vite à la couleur de l'eau à estimer les profondeurs, à visualiser les passes et les zones dangereuses. Il faut juste que l'éclairage du soleil soit correct (suffisamment haut et surtout pas de face).

Jeudi matin, le ciel est de nouveau bas et gris, nous en profitons pour aller faire les formalités à Gran Roque : soit deux heures dans quatre bureaux différents qui vous demandent tous les mêmes renseignements, le séjour est limité à 15 jours et une taxe de séjour dans le parc naturel est perçue. La bourgade de Gran Roque est coquette, forte de ses 1200 âmes elle vit du tourisme et de l'exportation des langoustes vers les îles de Bonaire et Curacao. Il y a de très nombreuses Posadas luxueuses avec des patios intérieurs arrangés avec beaucoup de goût. L'aérodrome est minuscule mais il enregistre un trafic important surtout en fin de semaine où il peut même recevoir le petit jet privé d'un riche habitant de Caracas qui rejoint son motor yacht.

Vendredi 28 novembre, avant de quitter Gran Roque nous grimpons à pied au vieux phare qui surplombe le village et le mouillage, d'où le panorama sur Francisquis et les îlots proches est exceptionnel. Une grande heure de moteur plus tard et un peu plus à l'ouest nous arrivons à Noronsqui : trois petits îlots reliés entre eux par des cordons de sable et de corail et protégés de la houle du large par un récif corallien. Avec nos trois voiliers nous sommes les seuls au monde et nous voyons un peu plus loin sur Isla Crasqui des dizaines de grosses vedettes à moteur alignées devant la plage.

Dimanche 30 novembre nous quittons Noronsqui et négocions la passe de sortie du lagon peu profonde et filons toujours vers l'ouest jusqu'à Isla Carenero ; au passage nous voyons les mouillages de Crasqui et Sarqui qui sont très fréquentés le week-end. A Carenero nous sommes au calme devant une mangrove dans un écrin d'eau turquoise. Nous y restons deux jours : visite aux quelques pêcheurs installés dans un campement, baignade, snorkeling sur le tombant, la faune y est assez abondante et le corail vivant est en fleur. Le lendemain, au retour de la pêche, deux barques viennent nous vendre du poisson et de belles langoustes... ce soir : soirée langoustes sur Ramatoa pour les trois équipages.

Mardi 2 décembre, nous quittons Carenero et revenons sur nos pas au mouillage de l'Isla Sarqui, il est à nouveau déserté de tous les plaisanciers bruyants du week-end. Le mercredi soir, nous sommes invités pour l'apéritif à bord d'un catamaran américain et faisons connaissance avec les équipages des trois ou quatre autres voiliers du mouillage.

Jeudi 4 décembre, changement de mouillage, l'ancre tombe dans des eaux cristallines devant une longue plage de sable fin... comme dans les publicités ! Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il nous faut déjà penser au retour vers la Guadeloupe, c'est une longue route peu réjouissante contre les vents dominants et contre le courant nord équatorial qui nous attend.

Vendredi 5 décembre passage à nouveau par la case départ de Gran Roque pour y effectuer les formalités de sortie... heureusement plus rapides que celles de l'arrivée et le lendemain matin dès potron minet nous voilà en route vers Isla Margarita. Une route longue de 180 milles que nous couvrirons intégralement en une trentaine d'heures de moteur et avec en prime des trombes d'eau à notre arrivée le lendemain. Nous devions rejoindre directement Porlamar, mais une panne d'alimentation gasoil sur le voilier de Claude & Sylvie et... de notre coté : nous craignons d'être un peu court en carburant et ne voudrions pas tomber en panne sèche. Nous faisons donc une escale technique le dimanche après-midi à Chacachacare, 25 milles avant Porlamar. Nous complétons notre plein avec 70 litres de gasoil payé tout de même 4 Bfs (Bolivar fuerte), c'est à dire 2 euros au cours officiel et moins d'un euro au cours du change parallèle communément pratiqué au Vénézuela (pays qui a instauré un contrôle des changes manifestement très efficace !). Lundi nous repartons avec OpSIS et laissons Sandy II, dans un chantier naval tenu par un Français, réparer son problème de désamorçage du circuit de gasoil. Panne vite réglée car dès le lendemain midi nous les retrouvons au mouillage de Porlamar.

Isla Margarita est la plus grande des îles du Vénézuela, elle est très touristique car elle dispose de belles plages mais aussi de commerces duty-free. Alors naturellement nombre de vénézueliens qui ne peuvent sortir du pays profitent de cette aubaine. Porlamar est une ville champignon un peu glauque avec des buildings, vides actuellement mais qui vont se remplir dès le début des vacances de Noël. Le mouillage est vaste mais pas agréable du tout, c'est une escale technique intéressante car il y a de très grands supermarchés mais c'est aussi un des rares endroits du Vénézuela où il est possible de remplir ses cuves de carburant à un tarif très intéressant (320 litres de gasoil pour 30 euros !). En réalité le trafic est simple : les pêcheurs ont un large volume mensuel (fonction de la taille du bateau et de la puissance du moteur) de gasoil attribué gratuitement par l'état – le surplus est ensuite vendu aux plaisanciers de passage à un tarif intéressant pour tout le monde (pour nous il est quasiment gratuit et eux gagnent des devises étrangères). Le trafic, parfaitement organisé, a pignon sur rue ; le service de livraison à bord est tout à fait remarquable). Car dans ce pays producteur d'or noir... il est interdit de vendre plus de 40 litres par jour de carburants aux bateaux étrangers... peut-être de peur que nous organisions un trafic !


Enfin le mardi 10 décembre, nous récupérons nos papiers et passeports pour quitter officiellement et définitivement le Vénézuela après une dernière escale d'une nuit aux îles Testigos. Nous couvrons les 50 milles de la route Margarita -Testigos au moteur contre un vent faible mais dans le nez et un courant contraire de près de 1 nœud. Nous reprenons nos places au mouillage devant la Playa Tamarindo de « IslaTestigo Grande » et pour se remonter le moral avant l'ultime étape vers Pointe à Pitre... une soirée langoustes à la Casa Verde !

Jeudi 11 décembre, en route pour la Guadeloupe, la météo n'est pas trop défavorable... une première journée au moteur (vent faible et courant traversier assez fort) nous permet de bien gagner dans l'est de la route directe, ce qui nous permet de passer les dernières 24 heures à la voile à une bonne vitesse. Nous couvrons les 295 milles jusqu'aux Saintes en 51 heures et c'est au mouillage de Bourg des Saintes que je termine la rédaction de cet article.

Deux ou trois réflexions en guise de conclusion de ces deux petits mois passés au pays d'Hugo Chavez...

  • Le Vénézuela est un pays où le potentiel touristique est important (paysages grandioses de la Gran Sabana, des Andes, des Llanos et du delta de l'Orénoque, côtes et îles superbes) mais tout cela est finalement peu développé. Les infrastructures médiocres, l'administration envahissante, le cours approximatif du Bolivar et le contrôle des changes sont des freins sérieux à un développement harmonieux du tourisme.

  • Les Vénézueliens sont attachants et très aimables avec les étrangers sans pour autant atteindre le charisme exceptionnel des Brésiliens. La société vénézuelienne possède des traits de caractère particuliers : le culte des concours de miss (une institution nationale), les orchestres de musique classique (politique d'insertion des jeunes défavorisés), les séries tv affligeantes, et les discours fleuves (plusieurs heures en simultanées sur la totalité des chaînes de radio et de télévision) du père de la République Bolivarienne du Vénézuela.

  • Enfin l'insécurité tant relatée dans les forums de voyageurs et de navigateurs est bien réelle même s'il ne faut pas tomber dans une paranoïa excessive. La violence physique (agression armée et meurtre) associée à une délinquance crapuleuse (vol de liquidités et appareils à fortes valeurs commerciales) est quotidienne dans les villes et sur la côte. Par contre les îles que nous avons visitées, à la notable exception de Margarita, ne nous ont pas semblé particulièrement frappées d'insécurité. Cependant nous avons redoublé de vigilance lors de nos sorties dans les villes et avons appliqué une stricte politique de fermeture du bateau, de verrouillage de l'annexe et de son moteur dans tous les mouillages que nous avons pratiqués. A Puerto La Cruz, le lendemain de notre arrivée, un navigateur américain est parti passer la nuit au mouillage dans une île proche de la marina, attaqué par des malfaiteurs il a voulu se défendre et il a été froidement abattu... la vie n'a aucun prix au Vénézuela. Enfin si tout cela vous est insupportable, le mieux est de suivre les recommandations données par le Ministère Français des Affaires Étrangères et de ne pas mettre les pieds dans le pays tant sur terre que sur l'eau !

Nous regagnons prochainement Nantes pour les fêtes de fin d'année que nous passerons en famille..; une fois n'est pas coutume ! Notre prochain article, courant février 2009, vous emmènera à Antigua et Barbuda, deux îles que nous avions délaissées l'année dernière lors de notre périple dans l'arc antillais.


De nouvelles photos ont été ajoutées dans l'album du Vénézuela.


Benoît & Dominique sur Ramatoa rédigé et posté aux Saintes le 15 décembre 2008.




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21 novembre 2008 5 21 /11 /novembre /2008 17:39
Le Vénézuela est un vaste pays (916 445 km²) dans la partie nord-est du continent sud américain. Paysages variés : des montagnes andines à l'ouest jusqu'au vaste delta de l'Orénoque (3° fleuve d'Amérique du sud) à l'est - des « llanos », immenses plaines humides dédiées à l'élevage au pied de la cordillère des Andes et occupant le centre du pays à la région de « Gran Sabana » aux confins du Brésil et du Guyana qui offre des paysages de savane et de montagnes tabulaires spectaculaires : les fameux « Tepuys » en langage indien.

Frontalier avec la Colombie, le Brésil et le Guyanna, le Vénézuela est peuplé de 26,5 millions d'habitants environ (34% de la population a moins de 15ans et 60% des enfants naissent hors mariage !); la société (fortement métissée) a été influencée par les civilisations indiennes, la conquête espagnole et par une longue et dure lutte pour l'indépendance acquise en 1811 par « El Libertador » Simon Bolivar. Pays producteur d'or noir, de gaz et de bauxite, le Vénézuela potentiellement riche pourrait être un pays plus moderne et plus avancé si la débrouille, les trafics en tout genre et la corruption ne venaient pas alimenter une économie parallèle florissante aux dépens de l'économie régulière (pays producteur de pétrole - 3° producteur mondial - l'essence y est quasi gratuite mais elle est rationnée drastiquement pour limiter, sans succès, tous les trafics d'essence qui occupent, avec le change parallèle des devises, une partie non négligeable de la population). La religion catholique est majoritaire à 94%, le pourcentage d'indiens indigènes est tombé (Warao et Pémon) à seulement 2%. Le régime politique (démocratie présidentielle) de Chavez, très proche d'une dictature populiste à la cubaine, et les nationalisations massives ont fait fuir progressivement la quasi totalité des investisseurs étrangers du pays. Les américains « gringos » sont la bête noire du régime de Chavez.

Enfin le pays souffre dans les grandes villes et sur toutes les zones côtières d'une insécurité violente chronique et grandissante, elle est à l'image de la violence verbale inouïe des dirigeants politiques en général et de Chavez tout particulièrement. Cette violence touche naturellement les touristes mais aussi les vénézueliens eux-mêmes. Les plaisanciers ne sont pas épargnés, ce n'est pas de la piraterie mais des attaques crapuleuses pour vous soutirer des liquidités et des devises étrangères. Nous devons être très prudent : sur la côte nous ne fréquentons que la marina de Puerto la Cruz (gardiens et miradors) et, au large et dans les îles nous naviguons et mouillons en groupe ( avec OpSIS et Sandy II) en évitant les mouillages par trop isolés.

Après avoir fermé le bateau, nous laissons Ramatoa et OpSIS d'Isabelle et Joseph, en sécurité dans une des nombreuses marinas de Puerto la Cruz qui est le principal centre nautique du pays avec un plateau technique de qualité... mais qui manque de tout ! Bahia Redonda, notre marina est à l'entrée d'un immense complexe touristique et immobilier construit sur une vaste lagune à la manière de Port Grimaud : villas de luxe pieds dans l'eau et anneau pour la vedette ou le voilier. C'est un immense ghetto pour millionnaires dont les villas extraordinaires côtoient des zones urbaines avec des immeubles bien moins rutilants... la zone est un éternel chantier et la qualité des eaux de cette très grande lagune est bien médiocre. La propreté et la conscience écologique ne sont pas des préoccupations majeures de la population vénézuelienne; la pollution urbaine et industrielle, les eaux polluées des lacs de Maracaïbo et Valencia, la dégradation des sols (déforestation et zones minières) sont évidentes et à très grande échelle.

Lundi 10 novembre, après avoir récupéré nos passeports et les papiers du bateau pour une entrée internationale, nous prenons un taxi à 12H30 pour Ciudad Bolivar à 300 kilomètres plus au sud. Route longue et fatigante (circulation, nids de poules, sièges défoncés et amortisseurs hors d'age, conduite très éloignée de nos standards européens !...) mais nous arrivons entiers à l'aéroport où le tour operator n'attendait pas la venue de quatre clients ! Joseph parlemente, tempête, téléphone et finalement nous voilà loger pour une nuit dans un hôtel médiocre de la ville, l'aventure commence le lendemain par un transfert en Cessna vers Canaima.

Mardi 11 novembre matin de bonne heure et de bonne humeur nous sommes une bonne trentaine de passagers à attendre notre transfert vers Canaima dans des petits Cessna de six places, forts bruyants et pas tout jeunes. Le pilote local est un habitué de la ligne... et le copilote admire le paysage de forêts, puis de savanes et enfin de Tepuys qui se déroule doucement (120 noeuds : vitesse de croisière) 4500 pieds sous nos ailes. Le paysage est splendide et l'arrivée sur la lagune de Canaima et ses sept cascades est somptueuse.

Là encore, l'organisateur local ne nous attendait pas... flottement, incertitude, énervement... finalement le programme des deux jours est inversé et nous partons en quatrième vitesse pour l'excursion en pirogue et à pied vers le « Salto de Angel » avec nuit en hamac dans un campement en forêt au pied de la chute.

Vers 11 heures du matin les trois pirogues (nous sommes rattachés à deux groupes d'une trentaine de Polonais) démarrent lourdement chargées. Nous remontons vers le sud-est, au pied du massif tabulaire de l'Auyàn-Tepuy, sur le rio Carrao puis sur le rio Churun qui remonte dans ce massif culminant à 2165 mètres. Au début la navigation est rapide sur un fleuve large, les pirogues propulsées par des gros moteurs HB de 50 ou 75 cv, filent à toute vitesse en levant des gerbes d'eau sur les cotés. Les guides et motoristes, indiens Pémon, connaissent parfaitement le fleuve, ses rapides, ses roches et ses bancs de sable. A l'exception de la première zone de rapides où nous débarquons à terre, toutes les autres zones de rapides et de sauts seront négociées, à bord des pirogues, de mains de maîtres par les motoristes... ils savent parfaitement lire les eaux du fleuve et sont impressionnants de dextérité. En 70 km, nous grimpons de plus de 70 mètres, nous remontons un tapis roulant dont on distingue parfaitement la pente, c'est impressionnant. La remontée est lente, près de quatre heures, et les bancs de la pirogue sont dures mais l'aventure grisante, les paysages somptueux.

En abordant le rio Churun, le cours des eaux est enchâssé entre les flancs du Tepuy et c'est un véritable torrent de montagne que les piroguiers remontent. Le moteur hurle dans les rapides, les roches affleurent, il faut prendre de la vitesse et relever l'embase... cela passe au millimètre... quelle virtuosité ! Vers 16 heures nous arrivons au campement dans la forêt en bordure du rio et nous distinguons sur la montagne en face : le Salto de Angel. Repas et nuit au campement avant d'attaquer le lendemain matin la marche d'approche qui nous conduira à un mirador au pied de la chute la plus haute du monde. Nuit rapide dans les hamacs en compagnie des moustiques et des Polonais qui célèbrent fort bruyamment leur fête nationale. 5H00 : réveil et en route il fait déjà jour !

La pirogue nous fait traverser le rio Churun, un torrent de montagne de moins de 30 mètres de large, et nous attaquons vaillamment la montée vers le mirador (1,5 heures de marche sur un sentier escarpé plein de racines et de pierres, il fait déjà chaud, l'humidité importante et les moustiques très affairés). Après l'effort, la découverte d'un panorama splendide et sans un nuage au pied du Salto de Angel qui jette ses eaux du sommet de l'Auyàn-Tepuy dans le vide 979 mètres plus bas... c'est colossal à plus de 600 mètres le bruit est assourdissant et le brumisateur géant ! Nous avons une chance énorme : la chute est fort bien éclairée le matin et de plus il n'y pas de nuages, ce qui se révèle extrêmement rare (dixit notre guide Pémon). Séance photos de cet instant extraordinaire offert par la nature. A la redescente nous croisons d'autres groupes moins matinaux que nous... mais ils auront le Salto de Angel masqué par les nuages qui recouvrent tout doucement la tête du Tepuy. Salto de Angel est l'attraction touristique numéro un au Vénézuela, son nom n'a rien à voir avec le saut de l'ange, mais porte le nom de son « découvreur » le pilote Jimmy Angel (1899-1956).

Passage au campement pour un petit déjeuner bien mérité, récupérer les sacs et retour vers la lagune de Canaima. La descente en pirogue bien plus rapide (moins de trois heures) mais aussi bien plus humide car dans les rapides il est fréquent qu'une vague s'invite à bord. Installation à la posada de Canaima et l'après-midi est consacré à une excursion qui nous permet de découvrir quelques-unes des sept cascades qui alimentent la lagune de Canaima. En particulier le Salto de Sapo est d'abord franchi en passant derrière la chute contre la roche puis au retour par le seuil rocheux au sommet de la chute car à cette période le salto est alimenté en eau sous la roche et non pas par le déversoir.

Le jeudi 13 novembre nous quittons la lagune de Canaima pour rejoindre Santa Elena de Uarein, ville de 15-20 000 habitants à 15 kilomètres du Brésil. Ville frontalière hors taxe qui vit du commerce de l'or et des diamants des zones minières de Gran Sabana (100 km plus au nord) mais aussi des trafics avec le Brésil voisin (en particulier l'essence). Le voyage dure 1 heure et vingt minutes dans un Cessna, mais le pilote est cette fois ci plus attentif car le relief est plus montagneux et il faut monter haut pour passer au dessus de la couche de nuages. Nous rejoignons la posada et sommes pris en main par Claude, notre guide français (expatrié depuis près de 20 ans au Vénézuela), qui va nous accompagner en Gran Sabana pour les quatre derniers jours de notre périple et nous reconduire par la route à Ciudad Bolivar (près de 700 km).

Vendredi 14, avitaillement et chargement du 4x4 et nous partons vers le nord en visitant, au fil des kilomètres, plusieurs sites :

  • La Quebrara de Jaspe est une cascade qui coule sur un lit d'une pierre semi-précieuse : le jaspe, avec le soleil les couleurs sont extraordinaires.

  • Plusieurs cascades plus ou moins hautes ou plus ou moins larges : Arapan Meru, Kama Meru (55 m de haut) et Kaui Meru où nous sommes baignés et rafraichis.

  • Des points de vue permettant d'admirer la succession des Tepuy du Roraima au sud jusqu'au Tramen-Tepuy au nord, pour la plus part ils culminent à plus de 2000 mètres. Certains d'entre-eux sont encore inviolés des explorateurs.

Enfin nous reprenons la route puis une piste de nuit (70 km) pour rejoindre le village indigène de Kavanayen. Nous allons y passer deux nuits au campement du village. Au fil des kilomètres Claude nous expliquent les coutumes des indiens Pémon qui peuplent majoritairement cette région.

La mission franciscaine de Kavanayen, fondée en 1942, est connue pour ses constructions en pierres parfaitement appareillées et non pas en préfabriqué ou en bois comme dans le reste de la Gran Sabana. Les bâtiments du couvent n'abritent plus que quelques frères et sœurs venus d'Espagne et sont aujourd'hui une école d'agriculture. Le soir au gîte d'étape, Senior Luis l'ancien cacique du village nous conte des légendes indiennes des Tepuys et des montagnes environnantes. Nous prenons nos repas et petits déjeuners au modeste restaurant du village tenu par Señora Guadaloupe qui nous accueille merveilleusement bien.

Le lendemain, il nous faudra près d'une heure pour parcourir les huit kilomètres d'une difficile piste de pierres qui nous conduit à Montopai, un campement touristique sur le bord du rio Karuai dans le parc national de Canaima. Nous effectuons une excursion de deux heures qui nous permet de découvrir des plantes, des cultures et des habitudes de vie des indiens. Sur la piste au retour, nous croisons le chemin un crotale, superbe serpent à sonnette.

Dimanche 16 novembre, nous quittons Kavanayen pour rejoindre par une piste sablonneuse le petit port de Ibo Riwo. 30 minutes de pirogue plus tard nous attaquons une longue descente à pied pour aller admirer depuis le bas les 115 mètres de la chute de Chinak Meru. Encore 10 à 15 minutes d'effort et nous nous baignons dans une piscine au pied d'une cascade de 10 mètres nommée Pozzo del Amor. Retour vers Ibo Riwo où nous mangeons l'éternel poulet + riz ! Au moment de repartir en 4x4, des trombes d'eau s'abattent et transforment la piste inondée en un fleuve immense. Claude au volant de son Land Rover Discovery fait preuve d'une virtuosité remarquable... car nous sommes passés juste, mais nous sommes passés ! Une fois sur la route goudronnée, nous avalons sous la pluie et dans la forêt les kilomètres vers le nord et faisons halte pour la nuit, après Las Claritas un village de mineurs.

Lundi 17, dernier jour de notre périple en Gran Sabana, nous parcourons les quelques 400 kilomètres qui nous séparent encore de Ciudad Bolivar. A 13H00 nous mangeons notre poulet-riz à San Felix sur le bord de l'Orénoque, la ville est totalement noyée sous des orages diluviens, la circulation automobile est totalement désorganisée. L'après-midi, nous traversons Puerto Ordaz, grande ville moderne sur la rive nord du fleuve et regagnons une posada confortable à Ciudad Bolivar.

Mardi 18, nous mettons à profit la fin de matinée pour visiter le cœur historique de Ciudad Bolivar bâti sur la rive sud de l'Orénoque. Ancienne capitale, la ville conserve le charme de son passé colonial. Nous visitons la place Simon Bolivar, naturellement, la cathédrale, le Palais de la 1° constitution bolivarienne du Vénézuela. Enfin nous terminons notre courte visite sur le Paseo Orenico et son mirador sur le bord du fleuve. Nous rejoignons ensuite le terminal des autobus où nous prenons un taxi pour nous quatre, le véhicule est récent et bien plus confortable, le chauffeur est aussi plus jeune et il avale les 300 kilomètres qui nous séparent de Puerto la Cruz à une vitesse stupéfiante (rarement en dessous de 120-130 kmh). Nous sommes contents d'arriver entiers et de retrouver nos voiliers qui tirent doucement sur les amarres, il fait chaud et humide, cela nous change du climat plus tempéré de l'altitude des plateaux de la Gran Sabana (700 à 1300 mètres).


Cette belle aventure à terre se termine... retour à la vie quotidienne sur le voilier. Avitaillement, lessives, courrier, internet : deux à trois jours d'efforts... et nous voilà prêt à poursuivre notre croisière vers les îles Tortuga et Roques en compagnie de Sandy II et OpSIS.


Merci à Joseph pour ses très belles photos qui me permettent, en complément des miennes, d'agrémenter cet article et l'album du Vénézuela que vous ne manquerez pas de consulter.


Benoît & Dominique sur Ramatoa à Puerto la Cruz – mis en ligne le 21 novembre 2008.




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18 novembre 2008 2 18 /11 /novembre /2008 21:55

Pour notre quatrième voyage à Trinidad, nous avons enfin trouvé une combinaison de transports aériens satisfaisante : Paris – Fort de France en Martinique, une nuit à l'hôtel et le lendemain vol régional par la Liat qui nous a emmené à Sainte Lucie – Barbade et Port of Spain. Nous sommes arrivés à l'heure avec tous nos bagages et sans tracasseries douanières.... que de progrès par rapport à l'année dernière.

Mercredi 15 octobre nous étions d'attaque pour débuter la très longue liste de travaux pour remettre le bateau en état de naviguer. Tous les travaux demandés en notre absence ont été faits dans les délais prévus : voiles révisées, capote et bimini recousus, le bridge deck à l'entrée de la cabine et la jupe arrière sont maintenant recouverts d'un joli plancher de teck massif.
En dehors des travaux habituels de réarmement (nettoyage, gréement courant à réinstaller, voiles à mettre à poste, remise en service des moteurs, groupe électrogène et désalinisateur, ponçage de coque et antifouling, etc...) j'avais aussi cette année au programme l'échange de la bague hydrolube de l'arbre d'hélice ainsi que le joint Volvo, l'installation d'un winch plus puissant (ST46) en remplacement du ST30 sur le piano babord, La mise en place d'une tresse sur le safran, l'installation du récepteur calculateur AIS et de son antenne VHF... bref du pain sur la planche. 

De tous ces travaux, le démontage de l'arbre d'hélice n'a pas été une mince affaire. Le démontage de l'hélice Maxprop est minutieux mais il s'effectue sans difficultés, désaccouplement du tourteau coté inverseur, remplacement du joint Volvo sans problème... mais la bague hydrolube reste collée et refuse obstinément de sortir, de plus la collerette est totalement usée et découpée (probablement par un fil de pêche). Pour couronner le tout l'arbre d'hélice ne peut pas sortir par l'arrière car il vient en frottement sur le plan de dérive en avant du safran. Prise de tête, conseils éclairés des autres bateaux du chantier, mail et coup de téléphone à Bernard Roucher... et finalement c'est en forçant comme un bœuf que l'arbre finit par sortir en frottant et en marquant l'aluminium. La vieille bague est extraite (totalement collée au tube d'étambot) remplacée par une neuve. Remontage en ordre inverse et in fine mise en place de l'hélice MaxProp... mais le filet inox en bout d'arbre a été faussé... résultat rechanfreiner le bout d'arbre à la disqueuse et refaire le filet avec une lime pour filet au pas de 150 (je ne connaissais même pas l'existence d'un tel outil !). Ouf la galère est finie : 48 heures de travail et des litres de sueur !Pour tout vous dire : le climat à Trinidad en octobre est bien plus chaud et bien plus humide que l'an dernier au mois de décembre, beau temps ensoleillé du réveil jusqu'en fin de matinée puis gros orage et retour du soleil... bain de vapeur de garantie 32° dans le carré et plus de 95% d'humidité. La fatigue et le décalage horaire aidant le moral passe par des hauts et des bas selon l'avancement des travaux et fonction des nouvelles galères rencontrées.

Finalement tout finit par se faire... et nous finissons par l'antifouling, Ramatoa perd sa belle robe blanche pour une robe noire... moins salissante en apparence !Le jeudi 23 octobre nous passons la nuit dans les sangles du travelift (primaire et antifouling sur la dérive entièrement baissée) et le 24 dès huit heures Ramatoa retrouve son élément et nous prenons un poste à la marina de Coral Cove pour terminer notre armement. Montage du nouveau winch et revente immédiate de l'ancien sur le réseau informel quotidien de la VHF. Installation de l'antenne VHF sur le portique arrière pour l'AIS... que c'est long de passer un câble dans sa gaine dans les emménagements.Parallèlement à nous, nos amis d'OpSIS et de SandyII traversent les mêmes affres mais nous prenons tout de même le temps de faire quelques sorties au restaurant ou d'aller déguster une glace ou un expresso chez l'italien. Le mardi 28 octobre, nous sommes allés fêter « Diwali », la fête de la lumière hindoue, dans un village proche de Port of Spain.Le samedi 1° novembre les trois bateaux effectuent les formalités de sortie de Trinidad pour rejoindre les îles Testigos au Venezuela, nous décidons de naviguer en groupe pour des raisons de sécurité. En fin d'après-midi nous quittons Chaguaramas par les bouches du Dragon et mettons cap vers les Testigos sans trop se frotter (pas moins de 20 milles) à la côte vénézuelienne. Navigation de nuit tranquille mais sans vent et avec beaucoup de moteur et le dimanche matin nous entrons dans le petit monde merveilleux des Testigos.Petit archipel à 110 milles de Trinidad, les Testigos sont constituées de deux îles principales quasi désertique habitées par une soixantaine de familles de pêcheurs qui vivent dans ces eaux  poissonneuses et très riches en langoustes dont la saison de capture vient juste de rouvrir la veille. Simples formalités au poste des gardes côtes sur Isla Iguana Grande, le « Commandante » nous accorde royalement quatre jours de séjour dans les îles, car il ne s'agit pas d'un port d'entrée et le séjour est une tolérance accordée par les autorités locales avant de faire une entrée administrative fort longue et complexe à Margarita ou à Puerto La Cruz.Changement de mouillage, une fois les formalités faites, pour traverser vers Testigo Grande où nous mouillons à l'abri d'Isla Langoleta devant la Playa Tamarindo. Havre de paix, cinq à six voiliers, français pour la plupart. Nous avons le sentiment que les vacances commencent ! Excursions à terre, nous escaladons une belle dune de sable pour aller se baigner dans les rouleaux de la côte au vent, le lendemain nous grimpons sur le sommet de l'île pour y découvrir un très beau panorama... mais que la montée est dure dans les éboulis de roches et sous une chaleur implacable. A notre retour, un pêcheur décroche cinq noix de coco sur la plage et nous en offre le jus tout frais.Les journées passent vite entre baignades, excursions, palabres en espagnol, dégustation de langoustes et aussi la continuation des petits bricolos dont finir l'installation de l'AIS avec une mise en service plus longue que prévue.Mercredi 5 novembre, nouveau changement de mouillage, la pioche s'enfouit dans le sable à la Playa Real devant un isthme de sable qui sépare Testigo Grande de Testigo Pequeño. Plus fréquenté mais plus calme que le précédent, nous y retrouvons nos amis de Grykipac qui terminent leur périple au Venezuela et s'apprêtent à remonter vers la Martinique.Jeudi 6 matin nous quittons ce petit paradis à la population si accueillante pour rejoindre Porlamar sur l'île de Margarita... traversée de 50 milles au moteur. Changement radical de paysage, nous mouillons devant une ville avec des tours et des buildings dont l'architecture n'est pas des plus belles, le mouillage est fréquenté et peu accueillant, la seule attraction de cette ville un peu glauque est le hors taxe généralisé sur tous les produits. Le carburant livré à bord par une barque et des fûts de 200 litres y est très bon marché (80 litres pour 10 USD). Nous y passons qu'une seule nuit et nous levons l'ancre dès le lever du jour c'est à dire à cinq heures du matin.

Vendredi 7 : 70 milles de route au moteur pour rejoindre Puerto La Cruz sur une mer d'huile. Nous nous glissons entre les îles Caracas et Chimana du parc national Machima. Le paysage désertique est grandiose, les couleurs éclatantes. Les dauphins nous accompagnent par dizaines. Nous arrivons à 16H30, juste à temps pour nous glisser dans un poste de la marina Bahia Redonda. Je profite de cette étape pour finir l'installation et les réglages de l'AIS (positionner les micro switchs sur les bonnes vitesses de transmission)... et oh miracle tout fonctionne à merveille en autonome et sur la cartographie MaxSea.Nous allons séjourner une quinzaine de jours ici car nous partons lundi 10 novembre après-midi en excursion pendant 9 jours, avec Isabelle et Joseph d'OpSIS, dans l'intérieur du Vénézuela : Gran Sabana et le parc national de Canaima. Tout cela est une autre histoire que nous vous conterons dans le prochain article.

Ne manquez pas de visionner les photos mises dans le nouvel album : Vénézuela

Benoît & Dominique sur Ramatoa à Bahia Redonda – Puerto La Cruz – 9 novembre 2008, mis en ligne le 18 novembre 2008.

 

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