Le 30 janvier 2011, nous débarquions à Papeete en fin de soirée et avons rejoint la pension « le Tangara » sur les hauts de Faaa. Nuit bien plus confortable que celle de l'an dernier que nous avions passée sur les bancs en bois de l'aéroport.
Dans nos 92 kg de bagages, il y a bien 80 kg de pièces détachées pour Ramatoa.... un vérin de pilote, le PC fixe du bateau et l'alternateur Mastervolt, de l'outillage etc... au passage de la douane nous serrons toujours un peu les fesses redoutant les questions indiscrètes que pourrait poser un fonctionnaire un peu trop zélé. Naturellement ce soir le contrôle est quasi systématique. Question d'usage sur le nombre de bouteilles d'alcool : deux seulement... c'est bien surprenant avec tous ces sacs... donc passage des bagages au scanner.... et tout se passe bien car il n'y avait pas d'autres bouteilles d'alcool dissimulées. Nous en sommes quitte pour une montée d'adrénaline et une bonne suée.
Le lundi 31 janvier, nous rejoignons Raiatea par un vol en fin d'après-midi et retrouvons Ramatoa dans son enclos au Chantier Naval des Iles sous le vent. Plat de spaghetti bolognaise partagé sur le bord de « Lutin » de notre copain Bernard et vite au lit.
Dès le lendemain tout s'organise assez rapidement : - Ramatoa est déplacé vers une zone du chantier plus hospitalière - Dominique obtient ses rendez-vous avec le kinésithérapeute d'Uturoa – Affiliation en moins de huit jours à la Caisse de Prévoyance Sociale (la sec soc de Polynésie).
Nous retrouvons notre copain « Jo » avant son envol vers la Nouvelle Zélande et nous partagerons avec Sophie son véhicule jusqu'à son retour vers le 18 mars. Bref notre petite vie s'organise sur le terre plein du chantier. Le temps est plutôt beau et les averses pas trop fréquentes.
De mon coté j'attaque la longue liste de travaux ordinaires, comme le carénage et le réarmement du bateau, mais aussi les remontages des diverses pièces ramenées de France. La survie Zodiac part en révision à Papeete. Les habituels 10-11 jours de travaux au sec seront un peu juste cette fois-ci et Ramatoa ne retrouvera son élément liquide que le jour de la saint Valentin le 14 février. Nous poursuivons l'armement à flot au ponton du CNI où nous sommes les seuls.
Seule la vedette inter-îles « Maupiti Express 2 » est remorquée au chantier voisin pour être tirée au sec après être violemment montée à 18 nœuds sur le récif à Huahine... à 11 heures du matin, il faisait beau mais le capitaine avait bien trop sommeil ! Mais en attendant la population de Maupiti est privée de son principal lien avec les autres îles et cela pour plusieurs mois.
A la remise en service du voilier, il y a toujours des petites surprises. Cette fois-ci c'est le groupe frigorifique qui donne des signes de fatigue après trois ou quatre semaines de fonctionnement apparemment normal, la pompe de circulation d'eau douce se désamorce fréquemment, a donc un débit trop faible et s'arrête même de tourner... démontage et remontage sans avoir rien vu d'anormal et tout est reparti... jusqu'à la prochaine panne. Cependant j'alerte le chantier Alubat qui va me faire parvenir une pompe de rechange c'est plus sure car elle introuvable sur place à Tahiti. Un frigoriste est aussi appelé en renfort car la charge de gaz semble insuffisante, recharge de gaz et échange du filtre déshydrateur, le groupe fait du froid, tourne longtemps et l 'évaporateur givre peu.... bref les bières ne sont pas toujours glacées ! La pompe doit arriver dans les bagages du skipper de « Ti Soaz » le 1° avril... j'espère que cela ne sera pas une blague.
La réinstallation du vérin (échange standard) du pilote et la purge de l'installation se font sans difficultés particulières si on suit scrupuleusement la procédure de Lecomble & Schmitt. Rassure toi Jean-Pierre, la chape du vérin est cette fois remontée copieusement remplie de graisse sous-marine et elle sera vérifiée à chaque hivernage. Test du pilote... tout est ok, pas de fuite.
Le remontage de l'alternateur Mastervolt (échange standard également) nécessite de faire tourner à nouveau des bagues sur l'axe pour une adaptation parfaite au support. Ensuite pas de difficultés.... à la remise en route du moteur IB... le cliquetis suspect est toujours là, le roulement de l'alternateur n'était donc pas en cause ! Je suis furieux d'avoir perdu quelques centaines d'euros et d'avoir transporté inutilement une dizaine de kg sur près de 36.000 km. Mais d'où provient alors ce cliquetis inquiétant... pour les uns : un réglage de soupape s'impose, pour les autres : c'est un bruit de roulement mais lequel ? Finalement, j'appelle Thierry le mécanicien du CNI, il est formel, ce n'est pas la culbuterie mais plutôt un roulement... auscultation approfondie... c'est peut-être celui de l'alternateur Volvo.... puis il a un éclair de génie et me demande une bombe anti-moustiques. Il pulvérise l'intérieur strié de la courroie plate et le bruit cesse immédiatement ! En fait la courroie est neuve mais elle est sèche car je l'ai en stock depuis le départ. La courroie est légèrement détendue.... le cliquetis a disparu. C'est beau l'expérience !
Heureusement les choses sont plus simples mais parfois assez longues à réaliser avec la majorité des autres pièces détachées : - Installation d'un feu de mouillage automatique sur le pataras babord – Remplacement du tableau de bord du moteur Volvo – Remplacement des condensateurs du groupe électrogène et du désalinisateur – Remise en place sur la console de la descente du Gyrographic NKE (Mise à niveau du soft offerte par NKE) - Mise en place du nouveau vaigrage en Komacel au dessus de la table à cartes – Remise en place du jeu complet de rideaux (échange ALUBAT sous garantie) – Installation du kit de réparation pour les petits panneaux Lewmar – Remise en place du PC fixe après remplacement de ses deux ventilateurs devenus bruyants.
Bref mes journées sont bien remplies d'autant plus que nous sommes plus actifs le matin et assez amortis l'après-midi après la sieste.
Dominique de son coté vaque à ses nombreuses occupations à un rythme compatible avec son épaule. Les multiples séances de kinésithérapie sont complétées par des baignades nombreuses. L'intendance, la préparation d'un avitaillement conséquent pour les mois à venir où nous serons loin des supermarchés, des travaux de couture et le lavage systématique de tous les coussins du cockpit et de toutes les housses du carré et des cabines remplissent également ses journées.
Nous profitons d'être motorisé pour effectuer les appros en ville et se balader. Nous sommes retournés nous baigner au grand Marae de Taputapuaeta sur la côte est. L'île de Raiatea est superbe, extraordinairement verte et fleurie car nous sommes à la fin de la saison chaude et humide. Chaleur et humidité toute relatives estiment les polynésiens. Nous trouvons même que la température de l'eau est bonne mais pas supérieure à celle des mois d'hiver en juillet et août.
Depuis le 25 février nous avons quitté le ponton du CNI pour prendre une place à quai à l'extrémité du mole de la marina Apooiti. L'ambiance est agréable et c'est plus calme que le chantier. L'agent Zodiac qui assure la révision de la survie nous contacte pour nous apprendre que notre radeau est en très mauvais état, décollé, irréparable, bon pour la réforme. C'est une très mauvaise nouvelle pour cette survie achetée à Colon au Panama en mars 2009. Immédiatement nous suspectons le revendeur et craignons d'avoir été victime d'une escroquerie, il n'en est rien. En fait l'agent de Papeete a fait remonter l'incident à Zodiac France qui a demandé le retour en urgence du radeau par avion pour expertise. L'avenir dira si la garantie va fonctionner. De toute façon il nous faut acquérir une nouvelle survie pour poursuivre notre voyage. Nous attendons la suite donnée à cette affaire par Zodiac France. On en reparlera.
Notre première tentative pour fuir la marina et aller passer quelques jours au mouillage dans le lagon avait échoué de part ma faute car je m'étais enfilé une écharde dans le pied. Cette fois-ci tout va bien et nous nous échappons du jeudi 10 mars au matin (après la kiné de Dominique) et nous revenons le lundi 14 mars (avant la séance de kiné suivante !). Grand beau temps, alizé à 15-20 nœuds, route à la voile... quel bonheur. Nous partons pour un tour de Tahaa par le nord.
Jeudi soir nous sommes au mouillage du Motu Ceran près de la passe Tohaotu alors qu'à notre insu la terre tremble violemment au Japon.
Nous y avons donc développé une théorie simple pour échapper au tsunami qui s'en suivit :
- Ne pas écouter la radio, ce que nous faisons généralement quand nous dormons et nous dormions du sommeil du juste au moment du déclenchement de l'alerte à 04:30.
- Être dans un mouillage désert sans aucun voisin, ce qui n'était pas notre cas car trois catamarans de location étaient à quelques encablures et, c'est l'un d'eux armé par des Teutons tout rouge de coups de soleil, qui ont alerté Dominique qui prenait tranquillement son café au lait matinal dans le cockpit à 06:10.
Une fois alerté on ne peut raisonnablement pas ignorer l'alerte... écoute de la radio Polynésienne qui nous apprend que le passage de l'onde est attendue à 06:50 pour Raiatea-Tahaa-Huahine.
Branle bas de combat : annexe hissée sous le portique, safran et dérive baissés, moteur démarré et mouillage remonté. A 06:30 nous étions dans la passe toute proche grand-voile haute et avons gagné le large de Tahaa où nous avons fait des ronds dans l'eau et parcouru une douzaine de milles nautiques.
En réalité nous n'avons rien vu ni ressenti ; une fois la passe franchie la mer était peu agitée et le ciel nous a gratifié d'un petit grain à 25 nœuds et d'une grosse avalasse. Vers huit heures nous avons regagné le lagon et avons remouillé et pris notre petit déjeuner !
Il est vrai que pour les îles hautes de l'archipel de la Société protégées par un lagon le risque est très limité, la vague annoncée était de moins de 1 mètre. Par contre, le risque pour les îles Marquises (sans lagon protecteur) et les Tuamotu (atolls bas sur l'eau) est bien réel. Au nord de Nuku Hiva aux îles Marquises, la vague de 1 mètre a envahi les terres sur près de 400 mètres à l'embouchure d'une vallée. Tout cela reste très modeste par rapport à la catastrophe japonaise.
Voilà donc résumé les dernières news de Ramatoa du bord. Pas de navigation sensationnelle, mais nous préparons activement notre départ vers l'ouest à la mi avril, à la fin de la saison cyclonique. Nous avons beaucoup apprécié notre retour anticipé en Polynésie, de retrouver la chaleur et de laisser derrière nous le froid et la grisaille de l'hiver de Charente Maritime.
Benoît & Dominique sur Ramatoa [16° 36,3 S – 151° 33,5 W]-Mis en ligne le 15/03/2011.