L'image des Galapagos, celle de notre jeunesse, celle de nos exposés au collège en cours de géographie ou en cours de sciences naturelles, celle des images d'Épinal de la faune marine sauvage et belle, est toujours bien vivace dans nos esprits quand on débarque sur l'archipel. La réalité sera-t-elle à la hauteur de nos espérances ?
Vendredi 10 avril, nous arrivons à la nuit tombante en vue de Santa Cruz, la visibilité est médiocre les îles sont noyées dans une brume de chaleur. Entrée de nuit à Academia Bay devant la petite ville de Puerto Ayora, le mouillage est vaste mais anarchique et très encombré par les nombreuses vedettes, plus ou moins grandes et luxueuses, des voyagistes opérants sur l'archipel au départ de la plus grande agglomération des Galapagos. Le lendemain matin nous mouillons de nouveau dans un emplacement plus abrité et installons une ancre à l'arrière pour maintenir Ramatoa face à la houle qui rentre parfois dans la baie.
Coté formalités d'entrée et de séjour, la réglementation, les us et les coutumes évoluent perpétuellement rarement au bénéfice des voiliers en escale. Sauf à acquérir un « cruising permit » extrêmement onéreux (6-800$) dont la délivrance est longue et le résultat totalement incertain, le séjour d'un voilier est limité à 20 jours dans un seul des deux ports d'entrée des îles de Santa Cruz et Cristobal, tout mouillage ailleurs est interdit. Pour échapper aux mesures aléatoires et inattendues des fonctionnaires du port, de l'immigration et des douanes il est maintenant recommandé de passer par un agent local... bonjour le tiroir caisse ! De toute façon, les Galapagos perpétuent le malaise découvert à Panama puis à Isla de Coco : le voilier de passage.. c'est une vache à lait dont l'unité de compte est le billet de 100$ ! C'est irritant et très onéreux alors que la vie courante (supermarchés, services, marchés municipaux...) n'est pas démesurément couteuse et bien au contraire si on se procure des produits locaux.
Avant de vous narrer nos excursions et découvertes enthousiasmantes, quelques lignes pour vous présenter cet archipel mythique.
L'archipel des Galapagos constitué de treize grandes îles et six plus petites, dont cinq habitées, est situé à plus de 1000 km de la mère patrie : l'Équateur, et à plus de 1100 km du Costa Rica. La moitié des habitants (30 000) vivent à Puerto Ayora sur l'île de Santa Cruz. L'archipel est découvert accidentellement en 1535 par Thomas de Berlanga, premier évêque de Panama qui s'égara lors d'un voyage vers le Pérou. Après leur découverte, les îles servirent de base pendant plus de trois siècles aux boucaniers, pêcheurs de phoques et baleiniers. Elles fournissaient un mouillage abrité, du bois, de l'eau, de la viande fraîche avec les tortues capturées par milliers et entassées vivantes à fond de cale.
Le premier résident fut un Irlandais, Patrick Watkins, abandonné sur l'île de Santa Maria (Floreana) en 1807. Mais le visiteur le plus célèbre est Charles Darwin arrivé en 1835 sur le « Beagle », il y resta cinq semaines, passant 19 jours sur quatre des plus grandes îles à prendre des notes et récolter des spécimens, s'intéressant autant à la géologie, à la botanique qu'aux animaux terrestres et marins. Ces travaux lui permirent d'étayer, de formuler et publier quelques décennies plus tard la théorie de l'évolution.
Dès 1832 l'Équateur revendique la possession de l'archipel, y installe quelques colons et des colonies pénitentiaires jusqu'en 1959. En 1934 quelques îles sont classées « sanctuaire de la vie sauvage » puis en 1959 le Parc National est créé recouvrant 97% de l'archipel. Le Parc National et la Fondation Darwin (station de recherche avec statut d'ONG) gèrent ensemble les îles, les sanctuaires et la réserve marine crée plus récemment en 1986.
Les îles de l'archipel ont émergé sous l'aspect d'îles volcaniques stériles n'ayant aucune forme de vie. Toutes les espèces présentes aujourd'hui ont franchi plus de 1000 km pour coloniser ces terres vierges. Celles capables de voler ou nager sur de longues distances avaient les meilleures chances d'y parvenir mais le vent, les courants; les bois flottés et les animaux eux mêmes ont transporté graines, œufs ou larves d'insectes. La faune actuelle se caractérise par un grand nombre d'oiseaux, de mammifères marins et de reptiles. Les amphibiens, les mammifères terrestres et les insectes sont rares ou inexistants. Tous ces animaux ne craignaient pas l'homme, ils n'avaient aucun prédateur jusqu'à l'introduction par l'homme (colons & navigateurs) de cochons, chèvres rats et autres animaux domestiques.
Lors de son séjour en 1835, Charles Darwin observa et remarqua les différentes formes de bec chez 13 espèces de pinson. Les individus mieux adaptés (un bec plus pratique et plus adapté à son environnement) transmettent une caractéristique génétique favorable à leurs descendants. C'est ainsi que sur plusieurs générations (4 à 9 millions d'années), des caractères souhaitables sont conservés alors que d'autres moins favorables sont abandonnés. Au bout du compte les différences entre les premiers arrivés et leur lointaine descendance sont telles que ces derniers constituent une nouvelle espèce. Très simplifiée, ceci est l'essence de la théorie de l'évolution au moyen de la sélection naturelle élaborée par Darwin.
Dans ce paradis terrestre... la vie n'est pas si rose ! La colonisation humaine, le tourisme intensif, la surpêche et l'agriculture sont des fléaux difficiles à juguler et à maîtriser.
- L'Équateur favorise l'installation sur l'archipel, il y a de la place et du travail dans le tourisme pour tous. La population de Puerto Ayora est passée en quelques décennies de 3-4000 habitants à plus de 12000, c'est aujourd'hui une petite ville active en pleine expansion démographique et économique.
- Le tourisme a réellement démarré après l'ouverture de la fondation Darwin avec un peu plus de 1000 visiteurs par an. Début 1990 on estimait le flux à 60 000 et aujourd'hui c'est plus de 120 000 personnes qui visitent l'archipel tous les ans. Pour faire face à cet afflux un deuxième aéroport est ouvert, des hôtels sont construits et la flotte des bateaux d'excursion comporte plus de 50 à 60 unités de toutes tailles et de tous niveaux de qualité.
- La surpêche et les activités illégales de pêche sont un problème grave. La pêche des concombres de mer, le massacre d'otaries (pour servir d'appât), la pêche aux requins (pour les ailerons exclusivement), les prélèvements excessifs de homards, la mise en place de quotas sur des espèces menacées sont les principaux problèmes auxquels les pêcheurs ne sont pas prêts de respecter les réglementations existantes. Des actions violentes (1995 et 2004) opposent les pêcheurs et la Fondation Darwin. La station de recherche a déjà été la victime d'incendies et d'affrontements. Des contrôles sérieux existent pour la pêche au gros pratiqué par les touristes, mais ils sont quasi inexistants pour le commun des pêcheurs locaux.
L'Équateur, le Parc National et la Fondation Darwin tentent conjointement de promouvoir une politique de conservation raisonnable basée sur un tourisme responsable et un programme d'éducation à l'environnement à destination des résidents. La présence obligatoire des guides certifiés du Parc sur toutes les excursions dans l'archipel est une bonne chose mais... le niveau des guides (connaissance du milieu et biologie marine) est en chute libre, il n'y a presque plus de diplômés universitaires, les guides locaux (concours spécial) parlent à peine anglais et connaissent encore moins la biologie marine. Tout le monde travaille... c'est le nivellement par le bas... est-ce la bonne solution ?
Revenons à notre séjour à Purto Ayora... Jean Pierre & Annick nous ont quittés par avion le 19 avril à destination de Lorient, alors que Berny & Cathy sont arrivés le 14 avril en provenance de Rennes. Cathy vient passer des vacances aux Galapagos, Berny nous accompagnera jusqu'aux îles Marquises. Ils avaient dans leurs bagages un colis de près de 18 kg pour Ramatoa : le couvercle de la survie réalisé par Alubat. Le colis tant attendu est arrivé à bon port et sans difficultés douanières avec seulement 48 heures de retard, un grand merci à eux pour le transport de ce colis encombrant et à Bernard Roucher d'Alubat pour une réalisation exemplaire. Moins de deux jours plus tard le capot est en place avec la nouvelle survie correctement sanglée avec des mousquetons de largage rapide. Je rédigerai ultérieurement un petit retour d'expérience sur cette avarie et les corrections apportées.
Au mouillage de Puerto Ayora, tout à fait confortable si on prend le soin de mouiller des ancres à l'avant et à l'arrière, on entre de plein pied dans le mythe : l'eau est claire et poissonneuse, les otaries occupent toutes les plateformes laissées libres au bord de l'eau, les oiseaux marins très nombreux tournent dans la baie. Nous y avons vu tout autour du bateau des bancs de petites raies, des requins dormeurs, des otaries sur la jupe arrière de Ramatoa, des pélicans, des fous bruns, des frégates et des fous à pieds bleu... c'est un régal pour les yeux. Mais lors de nos excursions nous en avons pris plein les mirettes !
Mercredi 16 avril nous sommes partis en excursion, tous les six, sur l'île de Seymour juste au nord de l'île de Baltra. Baltra, elle même au nord immédiat de Santa Cruz, abrite l'aéroport et un dépôt pétrolier et quelques installations industrielles (centrale électrique et usine de dessalement). A Seymour, accompagné du guide du Parc National, nous découvrons des oiseaux marins par centaine, des iguanes terrestres et marins, des otaries et lions de mer ainsi que de beaux requins pointes gris qui tournent autour du bateau pendant la préparation du repas.
Nous voyons essentiellement des frégates et des fous pieds bleu ainsi que quelques pétrels des Galapagos. A terre les œufs des fous pieds bleu, dont un seul sera conservé les autres détruits par les parents eux-mêmes, sont couvés et surveillés à tour de rôle par le père et la mère. Nous assistons aux parades amoureuses des frégates mâles qui gonflent leurs jabots écarlate et roucoulent pour attirer les femelles... c'est absolument superbe.
Nous croisons en débarquant sur l'île les « otaries de service » et des lions de mer qui paraissent au soleil sur les rochers ou à l'ombre des épineux sur le sable. Plus loin sur le sentier de découverte de l'île nous observons plusieurs Iguanes terrestres ils ont colorés (jaune, rouge ou brun) et distinguons plus difficilement des iguanes marins car ils sont immobiles de couleur noire ou grise sur des roches volcanique noire anthracite.
Samedi 18 avril, nous visitons la fondation Darwin à 20 minutes à pied du débarcadère. Visite un peu décevante car manque d'informations tout au long du circuit et de plus les expositions sont vieillottes et bien peu attractives. Nous y voyons de nombreuses tortues, des onze sous-espèces restantes de l'archipel, et la nurserie qui permet le repeuplement des îles où les populations de tortues ont été décimées, généralement par l'homme. Naturellement nous voyons ce pauvre « Lonesome George » tortue géante âgée de plus de 90 ans et dernier mâle survivant de la sous-espèce « Isla pinta » en voie de disparation... toutes les femelles qui lui ont été présentées n'ont pas su à ce jour obtenir ses faveurs !
Le parc de la fondation regorge de petits oiseaux : des pinsons et on y observe également des iguanes terrestres en captivité et des iguanes marins.
Mardi 21 avril, nous partons de nouveau en excursion pour une journée sur Floreana, île méridionale à une trentaine de milles au sud de notre mouillage. La traversée sur une vedette locale sur motorisée est rapide mais fort bruyante. Floreana est célèbre pour ses sites de snorkeling mais aussi pour l'histoire tragique des occupants qui succédèrent au départ de Patrick Watkins puis à l'installation du bagne sur l'île. Trois groupes de colons de nationalité allemande s'installèrent et de nombreuses tensions sont survenues entre les groupes dont les membres s'éteignirent et disparurent un par un dans des circonstances mystérieuses. La rumeur court toujours... la dernière survivante s'est éteinte en 2000, ses enfants et petits enfants tiennent aujourd'hui un petit hôtel et un restaurant à Puerto Velasco Ibarra le seul village de l'île qui regroupe une petite cinquantaine de familles.
Nous effectuons une balade avec un guide dans les sommets escarpés de cette île volcanique pour y découvrir un parc avec des tortues mais aussi les restes des premières implantations humaines troglodytes de Floreana. Le paysage est sublime. Si la faune des Galapagos est extraordinaire, la flore ne l'est pas moins surtout à Floreana : berceau de la colonisation de l'archipel. L'après-midi est consacré à l'exploration de la cote rocheuse, à la découverte de la faune marine qui habite ces lieux et au snorkeling. Nage et plongée à Champion island avec les otaries qui jouent, pirouettent et filent comme des torpilles entre les nageurs, on y rencontre au détour d'un tombant un beau requin pointe blanche.
Les environs immédiats de Puerto Ayora offrent également de très jolies promenades comme celle de « Las Grietas », une faille naturelle au delà d'un marais salant où se mêlent les eaux douces descendues des hautes terres aux eaux de mer infiltrées dans les roches. Nous nous y baignons, nous sommes seuls au monde avec les oiseaux qui nous surveillent !
Au cours de nos escapades nous découvrons une nature préservée et des animaux qui n'ont pas peur des hommes. Ils se laissent approcher tout en nous surveillant mais sans frayeur excessive. Il n'est pas rare de devoir écarter ses pas d'un pinson qui est au milieu du sentier. Malgré quelques aspects désagréables, liés à l'administration équatorienne fantasque et au comportement mercantile des tours operators, l'archipel des Galapagos reste un petit coin de paradis sur terre pour ceux qui aiment observer la nature belle et sauvage. Puisse cet équilibre bien fragile perdurer pour les générations à venir... rien n'est moins certain.
Au fur et à mesure de notre escale forcée à Puerto Ayora nous découvrons les équatoriens et la population de l'île de Santa Cruz. Gentillesse extrême, sécurité totale, sourires et accueil garantis. De petits restaurants économiques les « kiosques » ou les « stands » offrent de bons repas locaux pour deux à trois dollars. Le marché municipal qui ouvre tous les matins est complété tous les samedis par un grande foire à laquelle descendent tous les petits producteurs de l'île. Le choix de fruits et légumes est important, les prix tout à fait raisonnable et bien moins cher qu'en Europe ! La ville est agréable et pleine de ressources. Nous y complétons sans difficultés majeures l'avitaillement du bord : légumes et fruits frais, épicerie, boissons mais aussi le gasoil pour le moteur, l'essence pour le hors-bord, l'huile pour les vidanges (moteur & groupe électrogène) et du gaz pour la cuisine. Dominique se lance dans des conserves et des confitures. Ramatoa attaquera la traversée du Pacifique jusqu'aux îles Marquises avec les soutes pleines. Tous ces petits préparatifs nous occupent pendant la dernière semaine de notre séjour aux Galapagos que nous devrions quitter le samedi 2 ou le dimanche 3 mai. Nous espérions bien pouvoir resquiller deux ou trois jours en faisant une escale discrète à Puerto Villamil sur l'île d'Isabella, mais Berny & Cathy qui rentrent de trois jours passés à Isabella nous rapportent que le nouveau capitaine de port est intransigeant et qu'il est vain d'espérer nous y arrêter... dommage ! Cathy regagne Rennes le mercredi 29, nous restons à trois pour les 25-30 jours de la traversée qui nous attend.
Il n'y aura pas de cybercafé au milieu du Pacifique il faudra attendre l'arrivée chez Brel et Gauguin aux îles Marquises aux portes de la Polynésie française pour le prochain article... un peu de patience !
Mais n'oubliez pas d'aller voir toutes les photos que nous avons glissées dans l'album des Galapagos.
Benoît & Dominique sur Ramatoa à Puerto Ayora – Galapagos. Posté le 27/04/2009.